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Visuel avec un chien couché au regard triste, logo aïe

« La souffrance n’est pas une fatalité » : un spécialiste donne des conseils pour soulager un animal âgé qui souffre

Par Victor Pradel Journaliste

Publié le

Voir son animal vieillir et avoir mal est courant. Pourtant, des solutions simples existent pour le soutenir dans son quotidien. Le Dr Luca Zilberstein, vétérinaire en anesthésie, analgésie et soins intensifs au centre hospitalier d’Advetia nous explique comment soulager nos animaux.

On connaît les compétences des anesthésistes pour leur capacité à nous endormir lors d’une chirurgie, mais on ne connaît pas toujours leurs compétences dans la prise en charge de la douleur. Le Dr Luca Zilberstein, anesthésiste et aussi algologue, spécialiste de la douleur, a accepté de répondre à nos questions concernant les douleurs qui touchent nos compagnons de tous les jours.

En quoi l’anesthésie peut-elle aider à prendre en charge la douleur au quotidien d’un animal ?

Un anesthésiste c’est un spécialiste qui a des compétences pour effectuer au mieux la pratique de la perte de conscience du patient. Avec le temps s’est ajouté à cela, la perte de sensibilité douloureuse, ce qui n’est pas le cas des autres spécialités. L’anesthésiste va donc s’occuper de l’endormissement et du bien-être, qui ne peut pas se faire sans un travail spécifique envers la douleur qui est produite pendant que l’on dort.

L’algologue est celui qui s’occupe de celui qui est réveillé et qui vient en consultation parce qu’il a mal. C’est une spécialité rare qui traite de la prise en charge de la douleur comme des douleurs fantômes, réfractaires ou neuropathiques.

Vous organisez une fois par semaine des consultations « anti-douleur », en quoi cela consiste ? À quels animaux cela s’adresse ?

Il s’agit de consultations où je reçois des patients qui ont des douleurs réfractaires, c’est-à-dire, des douleurs qui ne disparaissent pas avec l’utilisation des médicaments les plus courants.

Je reçois des cas compliqués, pour lesquels tout a déjà été essayé, et aussi des cas qui le sont moins. Mais parce qu’ils sont vieux, on n’ose pas les traiter, car certains organes (foie, reins, etc.) ne fonctionnent pas bien. Malheureusement l’animal se dégrade. Pourtant, la vieillesse n’est pas un dévouement à la douleur ! On doit vraiment arrêter cette approche qui veut que comme l’animal est vieux, il souffre et on ne peut rien faire. Alors que c’est exactement l’inverse, c’est parce qu’il est vieux qu’il faut et que l’on doit le traiter.

Les consultations durent environ 1h au de laquelle j’écoute ce que me décrit le propriétaire. Comme l’animal ne parle pas, on est obligé de le combler avec les dires du propriétaire. Il faut comprendre le cadre de vie de chaque animal, ses contraintes etc. Pour traiter la douleur, il faut individualiser la douleur.

Crédits photo : Ann Tyurina / Shutterstock

Il faut aussi bien connaître les espèces que l’on traite, car ce n’est pas pareil de traiter la douleur d’un lapin que celle d’un chat. Les manifestations douloureuses vont être différentes, les seuils de douleur vont être différents. Le lapin est une proie, le chat est un prédateur, ils vont donc nécessiter des traitements différents.

Mais il est primordial, dans certaines situations, d’exclure la présence d’autres maladies. Par exemple, dernièrement, un chien est venu pour des douleurs arthrosiques. Tout amenait à un diagnostic de douleur arthrosique : le vécu, l’historique, l’âge, etc. Et grâce à la consultation de douleur, à la médecine narrative et aux examens complémentaires que l’on met en place selon ce que le propriétaire nous raconte, des petites sonnettes d’alarme ont sonné et ont montré que ce n’était pas forcément ce que le propriétaire imaginait. On a creusé et on a découvert que le chien était atteint d’un lymphome au dernier stade.

Il ne faut donc pas s’arrêter au simple fait que l’animal souffre, mais aussi chercher pour quelles raisons.

Comment mesurer la douleur chez un animal ?

L’erreur que l’on a faite au départ, c’est que l’on a copié de la médecine humaine. On s’est dit que le chien ne parlait pas, l’enfant non plus, on s’est donc inspiré de la pédiatrie pour traiter les animaux.

Alors qu’en réalité, la douleur d’un enfant est totalement différente de celle d’un animal. Ce n’est pas une question de récepteurs de la douleur, mais de ressenti émotionnel, d’expérience de vie, etc. Car la douleur c’est ce que l’on ressent, mais c’est aussi ce que l’on est capable d’interpréter.

Donc une fois que j’ai déterminé le « point faible » de l’animal, comme une articulation par exemple, je vais la tester. S’il y a une ou plusieurs articulations arthrosiques, je vais faire des examens complémentaires pour en être certain.

En fait, le propriétaire m’aide à comprendre et à imaginer des pistes et après je vérifie que ces pistes sont les bonnes. Ça va passer par de la palpation, du toucher, faire marcher l’animal, analyser sa qualité de vie. Savoir si l’animal court ou s’il est capable de monter sur le canapé sont de meilleurs indicateurs que les grilles d’évaluation de la douleur qui ne sont pas forcément adaptées au patient qui est en face de nous lors de la consultation.

Mais ça reste subjectif.

Y a-t-il un suivi pour ces animaux ?

Oui. Dans le cas de l’arthrose, on sait que c’est un phénomène dégénératif et qu’il n’y a pas de retour en arrière possible, on ne peut que avoir mal. Il faut donc gérer cette douleur.

La composante majeure de la douleur arthrosique, c’est la douleur neuropathique. Ce sont les nerfs et le système nerveux qui ont été mis à dure épreuve et qui vont se modifier. C’est sur ça que l’on va jouer, car ce ne sont pas les anti-inflammatoires qui vont soigner la douleur arthrosique.

Pour évaluer la douleur avec le propriétaire, j’utilise des applications qui leur permettent d’évaluer le chien à la maison et d’envoyer le résultat par internet. Certains propriétaires envoient des vidéos.

Donc grâce à la technologie et grâce à CAP douleur, ça permet de garder un œil à distance.

Car au moment de la consultation je vois l’animal, mais il ne va pas forcément manifester tout ce qu’il voudrait. Alors qu’une fois rentré à la maison, il va montrer qu’il a mal.

Donc globalement c’est grâce à tous ces outils technologiques que l’on va pouvoir suivre l’animal à distance. Je suis avec le propriétaire, je discute avec lui de la stratégie à mettre en place.

Le rôle du propriétaire est fondamental, car une stratégie ne peut fonctionner que si tout le monde est d’accord. Je ne vais pas imposer la stratégie, je vais la construire avec le propriétaire en fonction du contexte. Par exemple, si je dis il faut donner le comprimé 4 fois par jour mais que le propriétaire n’est là que deux fois, ça ne fonctionne pas. On va vraiment optimiser au cas par cas.

Quelle est la stratégie anti-douleur pour soulager un animal ?

On dispose de nombreux anti-douleurs et aujourd’hui on peut tout faire. Le plus simple, c’est l’aspirine et le plus novateur, ce sont les anticorps monoclonaux. La stratégie est donc de trouver le meilleur compromis à l’instant T où l’on doit traiter. On n’utilise pas tout de suite les armes lourdes sur un animal qui peut vivre encore 5 ans, par exemple. Sinon, qu’est-ce que je fais dans deux ans ?

La stratégie va donc passer par la pharmacologie, les interventions chirurgicales éventuelles (par exemple, s’il y a a une plaque qui fait mal, il faut la retirer), la physiothérapie, du laser, de la manipulation de la part du propriétaire, une activité physique maîtrisée, de l’hydrothérapie, de l’acupuncture, etc.

Si c’est bien fait, ça peut alléger certaines situations. Ça ne guérit mais ça peut aider le patient.

J’ai énormément de satisfaction quand un chien revient et que le propriétaire raconte que l’animal se remet à jouer.

Crédits photo : trofalenaRV / Shutterstock

Mais les gens sont souvent mal aiguillés, il arrive que leur vétérinaire leur dise : « Il est vieux que voulez-vous que l’on fasse ». Et les gens se laissent convaincre. Mais ce n’est pas parce qu’un animal est vieux qu’il faut tout accepter !

Ces consultations sont très enrichissantes humainement. On est là pour améliorer un bien-être de vie, car on a souvent face à nous des animaux qui sont déprimés. Il n’y a rien de plus satisfaisant que de lui redonner goût à la vie.

Pensez-vous que l’on prend plus en compte la douleur de nos animaux aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?

Oui, on a eu une phase de sommeil pendant 40 à 50 ans et on a commencé à se réveiller il y a 20 ans. Mais il y a eu une accélération incroyable depuis 10 ans, notamment grâce aux laboratoires qui ont vu un intérêt économique dans le fait de traiter la douleur.

Il y a 20 ans, il n’y avait rien pour traiter la douleur des animaux. Il y avait un anti-inflammatoire, de la morphine et c’est tout. Aujourd’hui on a tout, il n’y a plus de freins pharmacologiques, il y a tout ce qu’il faut.

Si on ne traite pas la douleur, c’est parce que l’on ne sait pas la traiter ou que l’on ne veut pas la traiter. Mais tout le monde ne sait pas traiter la douleur, par méconnaissance ou ignorance. On ne peut pas dire que l’on ne peut pas traiter la douleur parce que l’on n’a pas de moyen pour ça.

Je dois reconnaître que CAP douleur y est aussi pour beaucoup en menant des actions massives auprès des vétérinaires avec des formations, une présence, un label qui ont permis d’informer les vétérinaires sur la douleur.

Les chiens et les chats sont-ils tous égaux face à la douleur ?

D’un point de vue physiologique et neuroanatomique, oui les chats et les chiens sont égaux face à la douleur. Il ne faut pas se cacher derrière le fait qu’il la manifeste différemment.

Tous les mammifères domestiques ressentent la douleur de la même façon. Ce qui va changer c’est l’interprétation, nos expériences et le contexte. Un chat qui a une patte cassée ne va rien dire par exemple.

Le chat qui est un prédateur peut manifester la douleur avec une violence extrême au point d’agresser son propriétaire, de se mutiler ou de rester prostrer dans un coin.

Le chien est plus sincère dans sa manifestation douloureuse, il manifeste généralement tout ce qu’il ressent. Globalement, il cache peu de choses.

Le lapin, lui, s’il a mal, va mourir. Car dans la nature c’est une proie, donc s’il manifeste une faiblesse, il sait que le prédateur va le tuer.

Mais tout ça peut varier selon les individus. Néanmoins, le ressenti est le même pour tous.

La douleur arthrosique est-elle une douleur différente des autres ?

Oui, c’est une douleur très spécifique, car c’est un ensemble de douleur. Elle se met en place et progresse petit à petit. De ce fait, c’est une douleur à laquelle on s’habitue.

La douleur arthrosique est très complexe, car elle va générer la mise en place de nombreuses réactions. Malheureusement, le propriétaire s’habitue, il voit son animal vieillir et marcher plus doucement et ne le traite pas. Mais une fois qu’on le traite, ils nous disent « Docteur, vous avez donné une deuxième jeunesse à mon chien ».

La douleur arthrosique est la douleur la plus commune et c’est pourtant la moins traitée, alors que 80 % des consultations de douleur sont des consultations pour de l’arthrose.

Malheureusement ce sont surtout des chiens. Je dis malheureusement, car on a des statistiques qui montrent que 90 % des chats qui ont plus de douze ans souffrent d’arthrose. Or, je ne vois pas 90 % de chats en consultation.

Crédits photo : Zhuravlev Andrey / Shutterstock

Pour quelles raisons ?

On est plus attentif aux chiens, car on les balade et on remarque qu’ils boitent contrairement aux chats. Pourtant le chat souffre autant d’arthrose que le chien, mais on s’est habitué car il reste sur le canapé et on ne voit pas sa souffrance. On sous-estime l’arthrose chez le chat, alors que l’on sait que s’il y a une espèce qui fait de l’arthrose, c’est le chat.

Avec lui, on a tendance, culturellement parlant, à tout accepter pensant qu’ils sont résistants.

Existe-il des choses simples que les propriétaires de chiens et de chats peuvent faire au quotidien pour soulager leur animal ?

Alors il faut tout bêtement éviter les mouvements qui génèrent de la douleur chez l’animal. Il ne faut pas non plus le forcer à la mobilisation, il faut le faire bouger à son rythme. S’il a mal lorsqu’il monte sur le canapé, alors il faut lui faire un escalier.

Un chien arthrosique qui arrive à monter par hasard sur le canapé, peut se faire très mal à la descente, par exemple. Donc il faut l’aider.

Un chien arthrosique, va s’échauffer avant de bouger. On peut donc par exemple, mettre des compresses ou des poches chaudes sur ses articulations pour préchauffer l’articulation et la préparer au mouvement.

Si l’animal est très inflammé et très arthrosique, au retour de la promenade, on peut lui mettre une poche de frais pour diminuer l’inflammation.

Il y a aussi des traitements hygiéniques, comme la mobilisation douce dans l’eau et dans le sable. C’est parfait car c’est une mobilisation sans chocs.

Disposer d’un coussin très souple et confortable, une alimentation équilibrée. Il faut à tout prix éviter le surpoids, car 70 % des problèmes d’arthrose sont liés à l’obésité. Car les deux sont liés pour des raisons autres qu’articulaires, c’est donc la première chose à neutraliser.

Ce sont des choses que tout le monde peut faire. Il ne faut pas hésiter à consulter, car plus tôt on mettra en place un traitement, plus on emmènera loin son animal.

À lire aussi : Arthrose du chat : alimentation, jeux, … Que faut-il faire pour garder un chat en bonne santé

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