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Droit des animaux : donnons une personnalité juridique à l’animal

La rédaction

mis à jour le

Depuis peu, l’animal a un statut juridique flou. Auparavant considéré comme un objet, il est considéré désormais comme un être sensible. Pour autant, il ne dispose toujours pas d’une catégorie légale pour lui accorder des droits, et se traite toujours comme un objet. Explications.

En février 2015, l’article 515-14 apporte un nouveau regard sur l’animal : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ».

Cet article est une formidable évolution : c’est la première fois que le droit reconnaît à tous les animaux une forme de sensibilité (on le sait peu, mais une loi de 1976 avait déjà reconnu la sensibilité aux animaux domestiques).

Une évolution nécessaire et attendue

Or, l’idée n’est pas nouvelle : dans le passé, des exemples comme le procès de la truie de Falaise, en 1386 (jugée pour avoir bouloté le nez d’un bébé), montre qu’on a déjà essayé de donner des droits aux animaux.

Bien que ces notions ne se soient pas imposées au cœur de nos sociétés, portées par l’égo d’un humain « au-dessus » du règne animal, de nombreux exemples ponctuels nous montrent que déjà, des individus se préoccupaient du sort des animaux : adoptions, contrats, donations, procès… des situations où l’animal était traité à l’égal de l’humain (parfois de manière presque loufoque).

Illustration représentant une truie et ses porcelets jugés pour le meurtre d'un enfant. Le procès aurait eu lieu en 1457, la mère étant reconnue coupable et les porcelets acquittés.

De plus, l’animal a rapidement pris une place affective à nos côtés, devenant souvent un membre à part entière du groupe familiale. La tendance s’est furieusement accélérée dans notre société moderne, où l’animal de compagnie est devenu banal.

A cette évidence affective, s’ajoute aujourd’hui une évidence scientifique : nos connaissances nous permettent d’affirmer avec certitude comme le lien entre homme et animal est mince. La déclaration de Cambridge le 5 aout 2015 rappelle que l’animal est un être doué de conscience.

Un article de loi incomplet

Mais selon les Dr Riot et Regad, de la faculté de droit de Toulon, l’article est « schizophrène », en ce sens qu’il définit à la fois l’animal comme un être doué de sensibilité, mais le place immédiatement sous le régime des biens. Les lois qui protègent alors l’animal (notamment en tenant compte de sa sensibilité) représentent alors une protection par exception, là où ce devrait être une protection par principe.

L’article représente donc une bonne évolution, mais il est inachevé, « incomplet ». Il faut le compléter, pour donner une personnalité juridique aux animaux, ce qui nous permet enfin de leur confier des droits.

Car en droit, la description de notre monde, hérité du système romain, est fort simple : il y a d’un côté les personnes (physiques ou morales) et de l’autre les choses (biens). Or, seules les personnes peuvent disposer de droits.

La proposition des deux enseignants-chercheurs consiste alors à ajouter une subdivision aux personnes physiques : les personnes humaines, et les personnes non humaines.

Et cet apport est conséquent, car une fois rangé dans cette catégorie, l’animal n’est plus considéré comme un bien… et les conséquences de ce changement sont nombreuses.

Considérer l’animal comme une « personne juridique » : qu’est-ce que cela change ?

Premièrement, comme dit plus haut, seules les personnes juridiques peuvent disposer de droits, et l’animal pourra donc ainsi se voir donner des droits spécifiques, en rapport avec les besoins de chaque espèce.

Cela reste encore hypothétique dans notre droit français, mais l’exemple a été donné en Inde récemment, par une cour de justice : le 4 juillet 2018, la Cour suprême de l’État d’Uttarakhand, au nord de l’Inde, a statué : à compter de ce jour, les animaux auront « les mêmes droits, devoirs et responsabilités qu’une personne vivante »

Mais cela va plus loin : la notion de personne pouvant être plus abstraite (comme c’est le cas pour la notion de personne morale), il n’est pas impossible d’imaginer, à l’avenir, pouvoir accorder des droits à d’autres choses : un végétal, une forêt ou un territoire à préserver, une ressource naturelle…

Par exemple, le 5 avril 2018, la Cour suprême de Colombie a reconnu l'Amazonie colombienne comme une « entité sujet de droit ».

Il est donc temps de procéder à ces évolutions, car elles s’inscrivent dans une démarche internationale, qui tend en plus à s’accélérer au regard de l’urgence climatique et environnementale.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la législation encadrant les animaux, les docteurs Regad et Riot, enseignants-chercheurs à la faculté de Toulon, proposent un diplôme d’université sur le droit des animaux. Vous pouvez également retrouvez l'ensemble de leur travaux dans leur livre, La personnalité juridique de l'animal.

Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz

A lire aussi : Les chiens et les chats ont-ils conscience de leur image ?

 

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8 commentaires

  • Lauriane Jehl
    Lauriane Jehl
    Je suis dubitatif... Est-ce qu'alors au regard de la loi une personne qui maltraite un animal sera jugé au même niveau qu'une personne qui maltraite un enfant? Je n'en suis pas sûre... Je pense que ce sera un long combat et c'est pas gagné d'avance...
  • J'adhère, il est plus que temps mais cela me parait très hypocrite !


    [Est-ce que cela s'étend au delà des animaux "domestiques/de compagnies", si non pourquoi ? Une vache (un cochon, une poule etc) serait-elle moins douée de sensibilité ?
    Et si oui, comment allons nous gérer l'exploitation animale (animaux d'élevages) eux-mêmes même doués de sensibilité.]
  • Pchit4
    Pchit4
    C'est une bonne idée de donner un statut de personne aux animaux, pour que leurs droits soient plus sérieusement respectés!
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