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chien triste
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En demande-t-on trop à son chien ?

Par Éric Duchêne Rédacteur | Journaliste

Publié le

Voici une question philosophique intéressante, et particulièrement complexe. On se positionne souvent par rapport au ressenti de l’animal, son bien-être, mais du point de vue d’un humain. Qu’en est-il réellement pour le chien ? S’adapter à un mode de vie humain n’est-il pas trop exigent par rapport à ses besoins naturels ? 

Le chien est un animal social. En terme éthologique, cela signifie que son espèce a tendance à constituer des groupes qui vivent ensemble : il est donc très compétent pour s’adapter à d’autres individus. Ce qui rend le chien si exceptionnel, c’est qu’en plus, il peut développer ce type de relation avec d’autres espèces, comme c’est le cas avec l’homme depuis sa domestication, c’est-à-dire environ 10.000 ans !

Donc le chien est très compétent pour adapter son comportement en fonction de l’humain avec qui il vit. L’adage dit « le chien lèche la main qui le frappe », cela signifie qu’il n’est pas rancunier, et peut même vivre dans un état de résignation sociale assez rapidement. Mais on ne se rend pas toujours compte de l’effort que fait le chien, par rapport à ses besoins naturels.

1. Lui demander de rester seul 

D’une manière générale, le chien, en tant qu’animal social, a besoin avant tout de présence autour de lui, et d’interactions (et il apprécie le contact physique, contrairement au chat). Le jeu social, qu’il a avec des congénères, ou des humains, peut occuper une part non négligeable de sa journée. C’est la première limite à s’imposer : on demande souvent à son chien de rester seul trop longtemps. Et ce n’est clairement pas un facteur de bien-être pour lui : anxiété, frustration, défaut d’activité… les conséquences néfastes sont variables d’un chien à l’autre (de l’absence de conséquence à des troubles comportementaux majeurs…).

Tout futur propriétaire de chien se doit de se poser cette question en premier : a-t-il le temps et l’énergie pour fournir au chien les heures d’activité et d’attention qu’il demande, et ce pendant 15 ans ? Trop de personnes réalisent après coup le travail que représente un animal, et cela nuit à leur relation, et au bien-être du chien.

Au final, il est donc difficile de donner trop d’attention à son chien. C’est plutôt nous qui n’arrivons pas à satisfaire ses besoins. Ce qu’on lui demande en trop, c’est de s’adapter à notre mode de vie mouvementé. Et dans ce cadre-là, il y a d’autres difficultés qui sont discutables.


2. Lui demander de faire ses besoins dehors

L’apprentissage de la propreté est un bel exemple. Il s’agit, pour le chien, d’apprendre à éliminer à l’extérieur du domicile. Or, si l’humain a une belle notion de la propriété et des limites entre « l’intérieur » et « l’extérieur », ces notions sont étrangères au chien. Il faut donc lui apprendre à faire dans un emplacement plutôt favorable pour lui (avec une récompense par exemple), que le chien va délimiter selon ses critères. Et c’est la grosse difficulté : il faut pour cela que son maître soit clair et précis dans son éducation.

Je vais illustrer avec un cas pratique : pendant des années, on recommandait d’utiliser un journal pour inciter le chiot à faire dessus, et ensuite lui apprendre à faire dehors. On demandait donc au chien d’apprendre à faire sur le journal, puis ensuite le journal devenait interdit : cette logique pouvait heurter le chien, qui ne comprend pas pourquoi un jour il est récompensé sur le journal, et pas le lendemain. Il est bien plus cohérent d’apprendre au chien à s’exécuter dehors directement (avec des renforcements positifs, par exemple).

Gardez donc à l'esprit que le chien n'a pas la notion de propreté, et qu'il apprendra juste une habitude (faire sur l'herbe, dans le caniveau, pendant la balade...) qui en soit, ne correspond à aucun de ses comportements naturels d'élimination.

3. Lui demander d'être d'un trop grand soutien

Donc ce qu’on peut affirmer, c’est qu’on pèche souvent par incompréhension vis-à-vis du chien, en lui demandant trop d’efforts pour nous comprendre, sans tenir compte de ses besoins fondamentaux. L’humain peut être un partenaire exigeant, et le chien subit de plein fouet ses émotions, sans que son propriétaire s’en rende forcément compte. Il faut donc être soi-même bien dans sa peau, et ne pas compter sur le chien pour corriger un trouble dans sa vie d’humain : le chien risque de souffrir de ce statut de compensation, comme une éponge émotionnelle.

On le voit très bien avec les chiens de travail, comme les chiens guide ou d'assistance. Ce rôle leur procure une grande satisfaction sociale (les races sélectionnées en sont souvent très demandeuses), mais on constate les efforts conséquents que réalise le chien tous les jours pour son maître. D’où l’importance d’avoir une relation saine et équilibrée avec le chien, afin que ces efforts soient pour lui un plaisir !

Mais au-delà du chien de travail, il est donc important de ne pas faire du chien une réponse à notre propre détresse sociale. Une relation trop fusionnelle, avec un chien en dépendance affective, qui ne supporte pas l'absence de son maître un seul instant, est une relation déséquilibrée.

4. Lui demander de répondre à toutes vos attentes 

On sollicite trop souvent le chien pour des petites requêtes qui n'ont aucun sens dans un monde canin. Et pour le coup, cet apprentissage est un fil rouge qui dure toute la vie du chien.

Par exemple, observez le comportement des enfants de maternelle quand on ouvre les portes des classes : un flot d'enfants courant et hurlant se précipitent souvent dans la cours. Imaginez maintenant que cette effusion de joie se trouve brutalement réprimée par un coup de laisse, et un rappel à l'ordre "Tais-toi !". Cela paraît grotesque, c'est pourtant exactement ce qu'on inflige à nos chiens, très souvent.

On ne se rend pas compte de la quantité d'interdits avec lesquels on vit en permanence, toute la journée. Nous réalisons ces apprentissages dès le plus jeune âge, et cela paraît tellement évident pour nous qu'on ne les voit plus forcément. Mais il faut se méfier du nombre d'ordres qu'on donne à son chien, et de la nature coercitive de ces  requêtes.

"Fais pas ça", "Mange pas ça", "Arrête de courir", "Chuuut", "Viens ici"... Je vois parfois des chiens se promener, mais de leur point de vue, la balade ressemble plus à une marche forcée pour faire les besoins rapidement qu'à une promenade d'exploration et de défoulement. Et le pire, c'est que le propriétaire, attentif à la rue, ne se rend pas compte de la quantité d'ordres qu'il donne à son chien. Pour lui, c'est naturel. Pour son chien, ça ne l'est pas. 

La conséquence : la résignation acquise

A terme, le danger est que le chien ne cherche même plus à exprimer ses besoins. Si chaque fois qu'il manifeste un désir ou un besoin, il reçoit l'ordre de rester sage, il finit par ne plus éprouver ce désir. On appelle ce statut la résignation aquise : c'est un état mental auquel tous les animaux peuvent être confrontés (nous inclus), qui traduit l'absence presque totale de motivation et de plaisir dans la réalisation des comportements quotidiens. Or, il est fréquent de voir des chiens qui ont renoncé à exprimer leur besoins fondamentaux, et les propriétaires ne s'en rendent pas toujours compte. On peut observer des comportements de stress et d'anxiété, comme les TOC, les léchages abusifs, etc... mais ce n'est pas systématique, et souvent, les propriétaires ne détectent pas cette situation.

La relation développée avec un chien ne doit donc pas s’établir sur un rapport asservissant systématique, cela doit être une relation équilibrée, où le chien peut, et est même invité à exprimer ses envies, et surtout ses besoins ! Il y a un écart entre offrir un petit plaisir de temps en temps, et céder systématiquement au caprice. Et on peut tout à fait faire preuve d’autorité et de rigueur, sans se priver : l’équilibre se doit d’être le maître mot de la relation !


Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz

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1 commentaire

  • Lauriane Jehl
    Lauriane Jehl
    Très intéressant comme article, c'est vrai qu'on ne se rend pas toujours compte de ce qu'on demande à nos amis à 4 pattes...
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