Peut-on soigner sans médicament ? Le corps a ses propres ressources qui, dans certaines pathologies, peuvent s’avérer efficaces, mais qui ont aussi leur limite. L’effet des placebos est reconnu chez les humains, qu’en est-il chez les animaux ? Le chien et le chat sont-ils sensibles à l’effet placebo ? Pour répondre à cette question, commençons par le commencement… Comment agit un placebo, médicament sans principe actif ?
Qu’est-ce que l’effet placebo ?
Le mot placebo vient du latin et signifie « je plairai ». Il a été largement étudié en santé humaine, même s’il garde encore un peu de son mystère.
En médecine, il s’agit de l’observation de l’amélioration de l’état d’un malade alors que le traitement administré est dénué d’efficacité propre. L’effet placebo peut résulter d’un « faux » médicament sans principe actif, ou d’une procédure médicale après laquelle le patient se sent mieux alors qu’elle n’a aucune action bénéfique propre sur sa pathologie. L’important est que la personne soit convaincue de l’efficacité de son traitement.
De nombreuses études ont mis en évidence l’effet placebo chez les humains. L’efficacité du placebo serait liée à des phénomènes psychologiques comme le conditionnement (on met le patient dans de bonnes conditions pour sa guérison ; il est d’autant plus efficace que la personne a déjà reçu le « vrai » médicament) ou la suggestion (le médecin affirme que le traitement va guérir le malade). Au niveau du cerveau, la libération de molécules telles la dopamine ou les endorphines (analgésiques naturels) interviendrait.
Chez l’humain, l’effet placebo est variable d’un individu à l’autre. D’autre part, il est souvent difficilement différenciable de la guérison naturelle de la maladie. L’effet placebo fonctionne également avec les « vrais » médicaments, additionnant son effet à celui du principe actif.
Quel effet placebo chez les animaux ?
Comme nous l’avons vu pour l’humain, l’effet placebo est en grande partie lié aux attentes de guérison du patient. Qu’en est-il chez les animaux ?
Cette composante psychologique semble difficile à envisager de la part d’êtres qui n’ont vraisemblablement pas une conscience nette de la maladie et encore moins de l’espoir d’une possible guérison.
Les études sur le sujet sont peu nombreuses, et, souvent, peu concluantes ou contradictoires. Deux études chez les rongeurs l’illustrent : En 2012, des chercheurs remplacent une solution de morphine par une solution saline et démontrent un effet placebo sur la douleur chez 30 à 40 % des rats étudiés. En 2014, une autre étude chez le rat ne met pas en évidence de preuve robuste de l’efficacité d’un placebo dans le cadre d’une procédure douloureuse.
Cependant, on estime que l’effet placebo pourrait agir dans le cadre du conditionnement classique ; De même que Pavlov avait conditionné ses chiens à saliver au son d’une cloche (en dehors de la présentation de nourriture), la prise d’un médicament suivi de l’amélioration clinique de l’animal pourrait, par la suite, entraîner une amélioration de son état à chaque fois qu’on réitère la procédure (prise d’un comprimé ou réalisation d’une injection, même sans principe actif).
D’autre part, si l’effet blouse blanche semble également une des composantes de l’effet placebo chez l’humain (qui se sent rassuré d’être pris en charge), la même réalité n’est pas garantie avec les patients animaux, au vu du stress engendré par une visite chez le vétérinaire…
De plus, chez les animaux domestiques comme le chien et le chat, l’effet placebo intrinsèque à l’animal est difficile à analyser du fait de l’intervention… de l’humain.
Chez le chat et le chien : l’effet placebo du soignant ?
Qui n’a jamais scruté avec anxiété l’état de santé de son toutou malade en guettant les prémices d’une guérison ou, au moins, d’un petit mieux ? Cet effet placebo perçu par les propriétaires, et les vétérinaires, est connu des scientifiques sous le terme « effet placebo du soignant de l’animal ».
En 2012, une étude portant sur 58 chiens souffrant d’arthrose a mis en évidence ce phénomène particulier. La moitié des canidés recevait un placebo, l’autre un anti-inflammatoire. Les évaluations subjectives des soignants et propriétaires ont été comparées aux évaluations objectives de plateformes de force. Parmi les animaux recevant le placebo, 40 % des propriétaires et 44 % des vétérinaires notaient une amélioration des boiteries alors qu’aucune modification n’était rapporté par les plateformes de force. Les auteurs en concluent que l’effet placebo des soignants est fréquent pour les chiens souffrant d’arthrose, alors qu’objectivement ceux-ci ne vont pas mieux… L’effet placebo des soignants répond aux attentes de ceux-ci et non à une réalité de l’état du patient animal. Il se révèle donc assez pervers…
En conclusion, en matière de guérison, il vaut mieux ne pas trop compter sur l’effet placebo chez le chien et le chat… ni sur des observations subjectives, comme le ressenti du propriétaire. En revanche, une bonne grosse dose d’amour est toujours recommandée !
Isabelle Vixège
Dr vétérinaire
Sources
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304395912002758