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Comment votre chat voit-il ?

La rédaction

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Voici bien une question compliquée, à propos de nos amis chats : que se passe-t-il dans leur tête ? A quoi pense-t-il quand il vous regarde fixement pendant de longues minutes ? Voit-il les couleurs ? Est-ce qu'il voit mieux que nous ? Voici ce que l’éthologie, l’étude du comportement, nous apprend sur le cerveau des chats.

Le chat est un animal intelligent, capable d’apprendre, et faisant preuve d’une certaine sensibilité par rapport à son environnement. Certaines de ses réactions nous paraissent pourtant incompréhensibles, illogiques. La question peut se diviser en deux parties : comment le chat perçoit-il l’environnement, quelles sont les différences avec nous ? Et dans un deuxième temps, qu’est-ce qui retient l’attention d’un chat ?

Pourquoi l’éthologie ne peut répondre à toutes les questions

L’éthologie est une science jeune, dans le sens que les outils d’observation capables de faire ressortir des données scientifiques objectives sont récents. Jusqu’alors, il fallait passer un temps prodigieux à observer les animaux et définir des protocoles d’étude qui minimisaient l’impact de l’observateur, mais même ainsi, il restait des limites. Par exemple, un éthologue qui observe un groupe d’animaux ne va pouvoir porter son attention que sur certains d’entre eux, et ignorera (malgré lui) les autres comportements autours.

Or, depuis quelques années, les outils numériques ont changé notre manière de travailler : les appareils connectés, l’utilisation de la vidéo et des programmes d’analyses statistiques rendent le travail de recueil de données bien plus efficace, objectif, et rapide.

Donc il faut bien se rendre compte que ce que la science nous apporte sur une telle question est bien maigre. Concrètement, les chercheurs en sont à travailler des sujets basiques de perception, comme la persistance de l’objet, exemple avec lequel nous allons commencer à illustrer la perception du chat.

Comment le chat voit-il une pièce ou une personne dans la maison ?

La persistance de l’objet, c’est la capacité qu’a un individu (potentiellement, un animal comme le chat) à visualiser, dans sa tête, la présence des objets qui l’entoure, y compris ceux en dehors de son champs de vision. Il s’avère que ce n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît, et tout cerveau, humain ou animal, doit débuter ses apprentissages par la reconnaissance des objets dans l’environnement, qu'ils soient inanimés ou vivants.

Or, il s’avère que le chat a des capacités nettement inférieures au chien, par exemple. En pratique, il a beaucoup de mal à visualiser un objet à partir du moment où celui-ci sort de son champs de vision (on parle de « cône d’observation). J’appelle ça la Technique de l’autruche, « ce que je ne vois pas, ne me fait pas peur » ; c’est en effet une bonne méthode pour rassurer un chat, que de sortir de son champs de vision l'objet qui lui fait peur, ou de recouvrir le chat d'une serviette.

Mais il est facile de constater les limites du chat en cachant des objets attirants pour lui, et en le laissant chercher un peu. Autant, un chien à qui on cache une balle sera capable de réfléchir assez vite, et pourra explorer pour la trouver ; autant le chat a tendance à fixer le dernier endroit où il l’a vu et peut passer de longues minutes à attendre que ça revienne par le même endroit. Naturellement il y a des chats intelligents qui apprendront plus vite que certains chiens, mais d'une manière générale le chat va moins vite et moins loin que le chien !

Le chat accorde une grande importance à l’espace. Mais il ne le perçoit donc pas comme nous, et si on se donne l’exercice d’imaginer l’intérieur d’une pièce qu’on connait, il faut bien comprendre que le chat ne la « visualise » pas de cette façon. Et concrètement, on ignore de quelle façon il la construit dans sa tête : c’est comme demander à une personne aveugle d’imaginer et de décrire les couleurs.

Car la question posée dans le titre contient un piège : il s’agit du verbe « voir ». La vraie question n’est pas comment le chat voit-il, mais comment perçoit-il son environnement ? En effet, le sens principal des chats n’est pas la vue, contrairement à nous.

D’où ces capacités visuelles plutôt limitées : on dit souvent que le chat voit mieux que nous la nuit, car il perçoit mieux l’intensité lumineuse avec ses récepteurs visuels (bâtonnets) plus nombreux. Mais le jour, la vision du chat est nettement inférieure à la nôtre ! Il est facilement ébloui (c’est pourquoi ses pupilles sont si rétractées), il voit moins les nuances de couleurs (ce qu’on suppose car il a moins de récepteurs à la couleur, les cônes, que nous, et ils sont dichromates) et l’image est plus floue. Sa vision est portée sur le mouvement, et on constate d’ailleurs au niveau de la persistance d’un objet, que l’attention du chat est plus importante sur un objet qui bouge, et il aura tendance à surveiller là où il disparaît.

Le sens principal du chat est l’odorat

Nous avons donc fait le tour de la vision du chat, et nous retiendrons que c’est surtout notre sens, celui qui nous sert à nous humains, mais ce n’est pas vraiment pertinent pour le chat. Il ne se contente pas de voir le monde, il le sent également.

L’ouïe est à citer rapidement, car c’est un sens très utile pour l’animal, mais c’est un sens d’alerte et de communication principalement, peu utile pour décrire l’environnement. Le chat est toutefois sensible aux sons forts, son attention est immédiatement captée par un bruit inconnu et il n’hésitera pas à se cacher le temps que ce « danger » passe. Un environnement bruyant sera perçu comme inconfortable, voir stressant pour le chat.

L’odorat est un sens très particulier : il agit dans le temps et dans l’espace d’une tout autre manière que la vue ou l’ouïe. La vision est instantanée, et marche à distance, c’est l'opposé de l’odorat qui marche à la fois dans le présent, mais aussi dans le passé (les effluves laissées par des personnes absentes seront perçues par l’animal longtemps après), et avec un délai d’action, ce n’est pas un sens qui marche à distance car il faut du temps aux molécules odorantes pour se déplacer dans l’air.

Cela explique donc mieux un comportement fréquent du chat, quand les propriétaires nous rapportent que leur chat ne les reconnait pas (ou mal) à l’extérieur. En effet, un chat qui vous voit approcher dans la rue ne vous identifiera pas comme vous, instantanément. Pour un humain, un coup d’œil permet d’avoir les informations nécessaires, mais pour le chat, la vue va juste l’informer qu’une forme humaine se dirige vers lui, et il n’aura l’information sur l’identité de l’humain qu’en le sentant, ou en reconnaissant sa voix. Si l’humain n’a pas une approche trop assertive (et souvent, cela consiste à ne pas approcher mais laisser le chat venir…), il passera ensuite beaucoup de temps à le sentir, pour apprendre à le reconnaître.

De la même façon, le chat passe beaucoup de temps quand il arrive dans un milieu inconnu, pour explorer tous les coins et recoins, et s’imprégner des différents effluves. C’est très important pour un chat de passer ce temps à explorer une pièce : là où la vue nous permet à nous d’explorer rapidement l’espace, l’odorat ne lui donne pas cette chance, et le chat n’apprend à connaitre un environnement qu’en l’explorant longuement avec ses sens à lui !

Qu'est ce que le chat comprend du monde qui l'entoure ?

Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que de perception, et pas de cognition. A aucun moment je n’ai évoqué comment le chat interprète ses informations, et ce qu’il s’imagine ensuite dans sa tête. Car c’est là que la science atteint ses limites à l’heure actuel : à ce jour, nous avons beaucoup de protocoles d'étude sur les chiens, mais très peu sur les chats ! Or, le peu d’exercice que nous lui proposons tend à nous indiquer que le chat est tout à fait capable de réaliser un grand nombre d’apprentissage !

Mais le chat nous pose un gros problème dans cette étude : il se plie rarement aux conditions expérimentales qu’on lui propose, ce qui fausse les résultats.

En effet, un protocole scientifique dans ce type d’expérience consiste à proposer à l’animal un environnement pour lui faire travailler une capacité précise. Il est donc souhaitable d’avoir un élément motivateur pour l’animal, afin de l’orienter pour qu’il réalise l’exercice. Or, il est très difficile de trouver un élément motivateur commun à tous les chats. Autant la nourriture est la récompense facile avec les chiens, quand il ne suffit pas simplement de les féliciter, autant le chat s’avère plus difficile à satisfaire, surtout quand ça sort de ses petits rituels.

On sait par exemple que le chat n'est pas capable de se percevoir lui-même dans un miroir. Au mieux, il ignore son reflet après une rapide analyse olfactive, au pire il l'identifie comme un autre chat.

Des études permettent aussi d'affirmer que le chat est capable de suivre la direction de notre regard : il a donc conscience de ce qu'on observe, et il est notamment très sensible si c'est lui qui est observé.

Donc en conclusion, le chat perçoit et décrit son environnement principalement avec des odeurs, et accessoirement, en y passant du temps. Il s’intéresse à l’espace lui-même, mais aussi à la présence d’autres individus, et l’ambiance sonore de l’endroit. On commence à peine à s'imaginer concrètement comment il assemble et construit tout ça dans sa tête, mais on se rend compte qu'il perçoit bien des choses que l'on ne soupsonnait pas auparavant !

Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz

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