Publicité

cannabis chien
© Shutterstock

Des médicaments à base de cannabis pour les animaux ?

Par Lina Rayan

Publié le

En France, le cannabis est considéré comme une drogue, mais depuis quelques années, il fait parler de lui car de plus en plus utilisé en médecine. Nos chers animaux de compagnie ne sont pas en reste, puisque la médecine vétérinaire s'intéresse également aux propriétés intéressantes de cette classe pharmaceutique particulière : les cannabinoïdes. Et il s'avère que les premiers essais cliniques sont intéressants, engageant de futures recherches et ouvrant de nouvelles possibilités thérapeutiques.

En anglais, médicament se dit « drug » : en effet, physiologiquement parlant, il n’y a pas de différence entre les deux. Ce sont des molécules actives chimiquement, qui ont des effets sur l’organisme en fonction de la dose et de l’espèce, avec potentiellement des effets de dépendance. La distinction se fait sur l’utilisation qu’on en fait : à but thérapeutique pour un médicament, tandis que la « drogue » est à usage récréatif.

Ainsi, on commence à voir apparaître les cannabinoïdes sur le marché du médicament : certains pays commencent même à légaliser certaines molécules, notamment le CBD, dans un usage thérapeutique. Leurs effets restent moins étudiés que d’autres classes médicamenteuses, mais les premiers résultats donnent plutôt un intérêt croissant pour l’exploiter dans de nombreuses cures.

Naturellement, la médecine vétérinaire est concernée : bien que les effets puissent être légèrement différents en raison de la différence d’espèce, les premiers essais, depuis quelques décennies, montrent que l’animal peut lui aussi tirer avantage des cannabinoïdes (1).

Mais cette nouvelle vient avec son lot de questions : Peut-on utiliser les produits humains ? Quels sont les produits qui sont disponibles chez l’animal ? Sont-ils si utiles, sont-ils sûrs ? Quels peuvent-être les dangers d’une mauvaise utilisation ? Et qu’en est-il des aspects légaux en France ?

Quelle est la différence entre le cannabis, la marijuana, le chanvre, le CBD et le THC ?

Pour clarifier les choses, il faut d’abord prendre conscience de ce que sont les cannabinoïdes, avant d’être le produit stupéfiant que nous connaissons tous. La première chose à percevoir est qu’il n’y a pas qu’une molécule dans cette classe, mais des dizaines ! Et toutes n’ont pas les mêmes effets, loin de là. Voici un petit tour d’horizon du vocabulaire utilisé autour des cannabinoïdes, et ce à quoi il se rapporte :

  • Cannabis : c’est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae.
  • Marijuana : mélange à fumer composé avec les feuilles et les fleurs femelles séchées du cannabis.
  • Chanvre : c’est une variété de plante cultivée de la famille des Cannabaceae, sélectionnée pour la taille de sa tige et sa faible teneur en THC ou autres cannabinoïdes. Elle a de très nombreuses fonctions : textile, industriel ou agricole.
  • THC : ou Δ-9-tétrahydrocannabinol, c’est le cannabinoïde le plus abondant et le plus présent dans la plante de cannabis, c’est notamment cette substance qui est connue pour provoquer les effets à usage récréatif.
  • CBD : ou cannabidiol, c’est un cannabinoïde présent dans le cannabis qui présente à priori moins d’effets psychoactifs que le THC, en modulant son activité. C’est le composé souvent évoqué dans les formes thérapeutiques de cannabinoïdes.

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que le cerveau produit naturellement des cannabinoïdes : certains physiologistes n’hésitent pas à le considérer comme un facteur hormonal encore insuffisamment étudié. Il s’agit donc d’une voie thérapeutique dont la complexité est comparable à celle des anti-inflammatoires, mieux connus : le corps en produit naturellement, mais une action dite « exogène » (comme lorsqu’on reçoit un médicament) peut venir moduler cette production pour par exemple, soigner un trouble.

Ainsi, les chercheurs travaillent à isoler les substances dans la plante qui permettent par exemple avec le CBD, d’avoir un effet sur la douleur ou la relaxation, sans avoir les propriétés sédatives. Ces recherches sont souvent difficiles à mener vu le cadre législatif autours de ces molécules, ce qui explique leur lenteur.

Peut-on utiliser les cannabinoïdes chez les animaux et pourquoi le faire ?

La recherche a pour l’instant une série de résultats préliminaires sur les effets des cannabinoïdes, notamment chez l’humain, mais aussi en comparaison avec l’animal (2). Ces recherches semblent montrer un certain nombre d’effets thérapeutiques utilisables en médecine.

Cela concerne notamment toutes les maladies dégénératives, chroniques, pouvant générer des douleurs : maladies inflammatoires, orthopédie, neurologie et cancérologie sont autant de disciplines intéressées par ces molécules. En France, depuis 2013, le CBD est devenu légal pour les patients atteints par exemple de sclérose en plaque.

Malgré ce manque d'orientation officielle, les propriétaires d'animaux recherchent de plus en plus de CBD pour les membres de leur famille à fourrure. Dans une enquête réalisée cette année par le Veterinary Information Network, une communauté de vétérinaires en ligne, près des deux tiers des vétérinaires interrogés ont déclaré que leurs patients leur posaient des questions sur le cannabis au moins une fois par mois.

Alimentés principalement par des rapports anecdotiques, les gens se tournent vers le CBD pour les aider à gérer la douleur, l'arthrose, les convulsions et d'autres problèmes de santé chez leurs animaux domestiques. Et un nombre croissant de produits à base de CBD destinés aux animaux de compagnie, notamment des résines, des gélules et des friandises à mâcher, ont fait leur apparition sur le marché pour répondre à la demande des consommateurs (3).

Par exemple, une dose de 2mg/kg deux fois par jour semble optimale pour calmer la douleur et augmenter le confort, pour un chien souffrant d’arthrose (4).

Gellules de CBD, l'une des formes thérapeutiques de cannabinoïdes.

Mais les recherches sur ces utilisations chez l’animal sont encore moins nombreuses que chez l’homme. Et bien que des études suggèrent que le CBD n’entraîne pas de risque de dépendance et ne cause généralement que peu d’effets secondaires, il existe certains risques, explique Casara Andre, vétérinaire et fondatrice de Veterinary Cannabis Education & Consulting, une ressource pour les propriétaires d’animaux et les vétérinaires.

On est donc au tout début d’une exploration scientifique qui prend potentiellement des décennies, le temps d’isoler les substances et d’effectuer les tests d’efficacité, d’innocuité et de toxicité. Cependant, cette exploration passe par ces thérapeutes, qui réalisent les premiers essais cliniques et font remonter les premières données. Car comme tout traitement dit "alternatif", ce n'est pas parce qu'une substance est d'origine naturelle qu'elle est inoffensive.

Quel produit à base de CBD peut-on donner à un animal ?

Vous vous demandez si vous pourriez donner à votre animal un produit à base de CBD destiné aux humains ? En soi, la molécule active est effectivement la même, comme dans beaucoup de médicaments vétérinaires par rapport à leurs équivalents humains. Mais certains produits humains contiennent d'autres substances, telles que le xylitol ou l'huile de pépins de raisin, qui pourraient être toxiques pour les animaux.

Donc attention à ne pas se lancer dans une automédication sans l’aval d’un thérapeute pour en suivre l’évolution. Ce dernier vous aidera également à établir la posologie à appliquer : les produits pour animaux sont généralement dosés en fonction du poids de l’animal, mais les produits destinés à l’humain sont prévus pour des poids trop importants, et il faut les reconditionner.

Attention aussi, les indications sont variées et votre vétérinaire ne donnera pas forcément priorité à cette nouvelle voie thérapeutique dès le départ, donc n’hésitez pas à le solliciter sur ce sujet si vous vous demandez dans quel cadre vous pourriez l’utiliser.

Si toutes ces conditions d'utilisation sont soigneusement respectées, il est tout à fait possible que ces produits puissent soulager les douleurs d'un animal souffrant. La question se pose alors : Faut-il légaliser le cannabis pour soulager les animaux ?

Quel sont les risques et les dangers d’une mauvaise utilisation du CBD ?

Bien que le CBD semble causer peu d’effets secondaires, le cannabis interagit avec certaines drogues. Il est donc important que vous et votre vétérinaire soyez au courant des changements survenus récemment chez votre animal de compagnie. Comme beaucoup de médicaments, les cannabinoïdes étant métabolisés par le foie, la combinaison du CBD avec d’autres médicaments peut en renforcer les effets.

« Nous constatons que la puissance des produits pharmaceutiques augmente lorsque les chiens prennent du CBD. Nous pouvons donc souvent réduire la posologie de certains de ces produits pharmaceutiques », explique les chercheurs. « Par exemple, le CBD potentialise souvent les effets des médicaments anti-épileptiques, ce qui explique pourquoi souvent, lorsque nous associons ces médicaments au cannabis, nous obtenons un meilleur contrôle. »

Cet avantage peut aussi être un danger lors d’une mauvaise utilisation : si l’animal reçoit déjà un traitement, l’ajout d’une cure à base de cannabinoïdes implique de revoir les interactions avec ces différents médicaments, et cela ne peut se faire que par le biais d’un professionnel.

De plus, les cannabinoïdes sont susceptibles de se dégrader rapidement. Les médicaments doivent être conservés à la température ambiante, à l'abri de la lumière vive ou du soleil. En effet, le chauffage et le froid extrême peuvent modifier radicalement la composition chimique des médicaments : si votre huile a changé de couleur, elle est probablement périmée et doit être jetée.

 

La législation en France autours des cannabinoïdes

Au niveau européen, première couche de juridiction, la culture du chanvre est autorisée sous certaines conditions, notamment au niveau de la teneur en THC et de l’exploitation commerciale de la plante. Cependant, les producteurs sont encore extrèmement rares. En France, les produits à base de THC sont autorisés dans la limité d’un taux de 0,2% maximum de THC pour les humains et de 0% pour les animaux.

Cependant, cette législation est encore en cours d’élaboration, et elle risque d’évoluer fortement dans les années à venir, avec la mise en place d’un cadre d’utilisation en médecine humaine. Il est plus que probable que la législation suive cette route au niveau vétérinaire.

Pour l’heure, l’utilisation de cannabinoïdes par les vétérinaires reste anecdotique en France, et il existe peu de médicaments accessibles, qu’il faut nécessairement commander dans les pays où ils sont produits. Parlez-en à votre vétérinaire ! Cela lui donnera l’occasion d’explorer les possibilités récentes offertes par ces cures, et pourquoi pas, d’initier son importation en France chez les vétérinaires !

Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz

A lire aussi : Pourquoi les chiens reniflent-ils les parties génitales ?

Bibliographie :

  1. Toxicology of Marijuana, Synthetic Cannabinoids, and Cannabidiol in Dogs and Cats
    Brutlag, Ahna et al.
    Veterinary Clinics: Small Animal Practice, Volume 48, Issue 6, 1087 – 1102
  2. Comparative metabolism of cannabidiol in dog, rat and man
    J.Harvey, E.Samara†, R.Mechoulam†
    Pharmacology Biochemistry and Behavior, Volume 40, Issue 3, November 1991, Pages 523-532D
  3. Pharmacokinetics of cannabidiol administered by 3 delivery methods at 2 different dosages to ealthy dogs
    Bartner, Lisa R.; McGrath, Stephanie; Rao, Sangeeta; Hyatt, Linda K.; Wittenburg, Luke A.
    Canadian Journal of Veterinary Research, Volume 82, Number 3, July 2018, pp. 178-183(6)
  4. Pharmacokinetics, Safety, and Clinical Efficacy of Cannabidiol Treatment in Osteoarthritic Dogs
    Gamble L-J, Boesch JM, Frye CW, Schwark WS, Mann S, Wolfe L, Brown H, Berthelsen ES and Wakshlag JJ (2018)
    Front. Vet. Sci., 23 July 2018
Plus de conseils sur...

Qu'avez-vous pensé de ce conseil ?

Merci pour votre retour !

Merci pour votre retour !

Laisser un commentaire
Connectez-vous pour commenter

1 commentaire

  • Girni21
    Girni21
    Etant donné que les recherches n'ont pas à ce jour donné de résultats significatifs et au vu du danger que représente l'utilisation de cette drogue, je dis non, n'en donnons pas à nos animaux. Une question qui me semble importante : lorsqu'on dit recherches, on dit tests, est-ce que ceux-ci sont effectués sur des animaux ?
Confirmation de la suppression

Êtes-vous sûr de vouloir supprimer le commentaire ?

1 commentaire sur 1

Vous voulez partager cet article ?