La caudectomie, une histoire de pratiques ancestrales
A l'origine, cette pratique était issue d’un certain nombre de croyances : couper la queue rendrait les reins plus forts, ou encore éviterait les blessures dans des fourrés épais au cours de la chasse. Au XVIIème siècle déjà, on recommandait déjà de couper la queue des chiots âgés de 6 semaines à deux mois.
De nombreuses mutilations de ce type sont pratiquées, depuis longtemps : en premier, la caudectomie et l'otectomie (coupe des oreilles), mais on citera aussi l’ablation des cordes vocales, ou le dégriffage chez le chat. En général, il s’agit d’adapter l’animal à nos besoins, ou même simplement notre confort.
Ce n’est que depuis peu que la sensibilité et le bien-être animal sont pris en compte dans ces pratiques, et malgré ces nouveaux paramètres, elles persistent encore année après année !
La caudectomie a des effets secondaires neurologiques
Cette pratique ne concerne d’ailleurs pas que le chien : des espèces de rente peuvent la subir, notamment les porcs et les ruminants. Chez le porc, la coupe de queue est même couramment utilisée en élevage intensif, car on observe beaucoup de comportements stéréotypés, et la coupe de queue réduit les automutilation et les morsures de queue.
Une étude parue en 2016, et présentée par le Dr Sandercock à la rencontre organisé par l’UFAW (Universities Federation for Animal Welfare), s’attarde sur les effets secondaires d’une amputation de la queue. Elle montre que la sensibilité dans le moignon de queue est supérieure à la norme 4 mois après l’opération, ce qui est courant dans les cas d’amputation.
En effet, un névrome se forme après cicatrisation, c’est-à-dire que le nerf qui court normalement dans la queue se développe sous la peau, dans le tissu cicatriciel. Cela augmente très fortement la sensibilité dans cette zone. Chez l’homme, cela explique aussi les douleurs fantômes (qu’on ne peut pas vraiment vérifier chez l’animal).
Le Dr Sandercock affirme pouvoir étendre ces résultats à d’autres espèces sans les avoir étudiées, mais il invite à réaliser d’autres études. Or, une publication similaire est parue en 2018, cette fois-ci sur les vaches, et en analysant la sensibilité tactile et à la température. Naturellement, des résultats similaires ont été observés.
Les chercheurs invitent donc fortement à abandonner ces pratiques coercitives, et à modifier la législation pour les rendre illégales.
La caudectomie dans la loi française
La caudectomie, comme les autres pratiques mutilantes, sont légiférés d’abord au niveau européen. En 1987, la Convention européenne de protection de l’animal de compagnie a interdit les mutilations autrement que pour des raisons de santé, et la France a signé ce traité.
Cependant, le décret n°2004-416 du 11 mai 2004 permet à la France un passe-droit législatif un brin tordu. Il rappelle dans l’article 10 ce que la Convention européenne impose, à savoir une interdiction formelle pour la pratique de ces mutilations. Puis un autre article vient invalider cette interdiction en affirmant que la république française n’est pas liée à l’alinéa sur la coupe de queue.
Extrait du décret n°2004-416 du 11 mai 2004
Article 10
1. Les interventions chirurgicales destinées à modifier l’apparence d’un animal de compagnie ou à d’autres fins non curatives doivent être interdites et en particulier :
a) La coupe de la queue ;
b) La coupe des oreilles ;
c) La section des cordes vocales ;
d) L’ablation des griffes et des dents.
Réserve :
En application du paragraphe 1 de l’article 21 de la Convention, le Gouvernement de la République française déclare ne pas être lié par l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 10.
La France dispose donc d’un passe-droit pour la coupe de queue. Il y a des conditions à respecter : elle doit être réalisée obligatoirement chez le chiot avant 4 jours, par un vétérinaire. Il n’est donc pas possible de réaliser une caudectomie au-delà de cet âge. Mais cela reste pratiqué par beaucoup d’éleveurs.
Cette pratique législative est commode : il suffit d’émettre une règle générale au début du texte, pour rejoindre le consensus populaire et satisfaire les foules, puis d’ajouter des exceptions comme ça arrange dans la suite. Dans le cas de la protection animale, on ne manquera pas de citer la corrida, qui est interdite en France, sauf dans 10 départements depuis 2008 !
Il reste donc du ressort de chaque vétérinaire d’accepter ou non cette pratique, puisque la loi oblige encore de passer par un praticien pour réaliser l’acte. Et naturellement, chaque propriétaire est responsable de ses choix, concernant cette chirurgie esthétique.
Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz
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