« Ah bon ? Les chiens pour personnes diabétiques, ça existe ? » Oui, ça existe. Et pourtant, la plupart des gens l’ignorent. On pense souvent – à tort – que les seuls chiens capables d’aider des êtres humains sont les chiens guides d’aveugles. Même les chiens d’assistance destinés à des personnes souffrant d’un handicap moteur ne sont pas toujours connus.
Ces dernières années, le nombre de chiens d’aide aux personnes a pourtant explosé en France. La multiplication de leurs activités a même abouti, en 2015, à la création de la première confédération qui réunit la plupart d’entre elles, partage les bonnes pratiques, et établit des normes d’activités faisant office de référence : Canidea.
« La relation avec le chien d’assistance a marqué une évolution notable, dans l’histoire de la domestication du chien. En effet, l’Homme a longtemps utilisé le chien à son avantage, comme outil pour la chasse ou la défense, apportant en retour ressources et abris au chien. Depuis quelques décennies, le chien a pris une place différente dans nos foyers, devenant un animal de compagnie. Mais avec l’apparition des chiens d’assistance, on constate une nouvelle forme de coopération : l’animal et l’homme sont dépendants l’un de l’autre. Cette coopération, plus symbiotique, change complètement le rapport entre l’humain et le chien. » Stéphane Tardif, Docteur vétérinaire et comportementaliste.
Les chiens guides
Les chiens guides d’aveugles œuvrent depuis plus de 40 ans aux côtés de personnes déficientes visuelles. La FFAC (Fédération Française des Associations de Chiens guides d’aveugles) remet chaque année environ 200 chiens à des personnes malvoyantes ou non-voyantes, gratuitement et dans toute la France grâce aux 14 associations et écoles actuellement fédérées.
Les chiens guides sont élevés et éduqués dans le but de devenir les yeux de leur bénéficiaire. Après environ deux ans de formation, ils rejoignent une personne qui en a fait la demande, et l’accompagnent dans tous ses déplacements : à la maison, dans les transports, sur leur lieu de travail, etc.
Membre de la FFAC, l’Ecole de Chiens Guides de Paris est activement soutenue par Wamiz. Chaque année, la Wamiz Run, une cani-course solidaire est organisée dans le bois de Vincennes afin de mettre en valeur le travail de ces chiens exceptionnels et de ceux qui les forment. Une avant-première du film Belle & Sébastien 3 (initiée par Wamiz et Royal Canin) réunissant 30 chiens guides a également eu lieu afin de promouvoir l’accès au cinéma pour tous.
Les chiens écouteurs
Moins connus que les chiens guides pour personnes déficientes visuelles (mais non moins importants !), les chiens écouteurs sont destinés aux personnes sourdes ou malentendantes. Leur mission : alerter leur bénéficiaire de sons spécifiques afin d’augmenter leur sécurité et leur communication avec leur environnement.
Les chiens écouteurs, remis par l’association Les Chiens du Silence, connaissent la langue des signes et sont capables de répondre à environ 20 ordres en LSF. Ils apprennent à entrer en contact physique avec leur bénéficiaire lorsqu’ils entendent un son spécifique ou inhabituel. Ainsi, les chiens écouteurs peuvent réveiller leur bénéficiaire, le prévenir lorsqu’un téléphone ou une porte sonne, lorsqu’un danger approche dans la rue, etc.
Les chiens d’assistance
Il n’existe non pas une seule forme de chiens d’assistance, mais plusieurs. Autrefois utilisés pour accompagner des personnes en situation de handicap moteur, les chiens sont aujourd’hui également appelés à aider des personnes souffrant d’une maladie psychiatrique. Quelle que soit leur fonction, ces chiens apportent plus de liberté et d’autonomie à leur bénéficiaire, tout en étant leur ami, un confident qui ne juge pas, et un vecteur de lien social. Ils sont remis gratuitement principalement par l’association Handi’Chiens (2 000 chiens d’assistance ont été remis par Handi’Chiens en 2017 à des enfants ou adultes en situation de handicap ou privées de mobilité). Les différentes activités des chiens d'assistance sont :
- Les chiens pour personnes handicapées moteur ont pour rôle d’atténuer les limites de mobilité de leur bénéficiaire, et d’augmenter leur indépendance. Au cours de leur formation, ils apprennent à ramasser et rapporter un objet, à ouvrir et fermer un tiroir ou une porte, à atteindre le comptoir d’un magasin pour tendre un objet (un portemonnaie par exemple) ou récupérer ce qui leur est tendu (un sac ou la monnaie par exemple), et à aboyer sur commande pour prévenir l’entourage en cas de problème. Ils répondent à plus de plus de 50 commandes.
- Les chiens d’assistance dit « chiens d’éveil » destinés à des enfants souffrant d’autisme ou de trisomie : les chiens aident à leur développement et constituent un soutien moral et affectif, tout en favorisant leur insertion sociale.
- Les chiens d’assistance dits « chiens d’accompagnement social » confiés à des référents dans des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, souffrant de la maladie d’Alzheimer ou des adultes handicapés.
- Les chiens d’alerte pour personnes épileptiques : alors que plus de 1% de la population française serait concernée par l’épilepsie, Handi’Chiens vient de remettre ses trois premiers chiens d’alerte pour personnes atteintes de cette maladie. Grâce à leur flair, ces chiens ont été éduqués à reconnaître l’odeur de l’épilepsie. A l’issue de leur formation, ils ont rejoint un bénéficiaire qu’ils accompagnent au quotidien et peuvent protéger en cas de crise. Concrètement, le chien a pour mission d’alerter la personne ou un proche lorsqu’une crise est imminente (en lui touchant la cuisse avec son museau), afin que le malade puisse se mettre en sécurité et éviter de se blesser. Le chien doit également rester à ses côtés pendant la crise, et ce, jusqu’à l’arrivée des secours. Il est enfin une aide précieuse au retour à l’état de conscience, après la crise.
- Les chiens d'alerte pour personnes diabétiques : Les chiens d’alerte et d’assistance pour personnes diabétiques (souffrant de diabète de type 1) sont formés selon le même principe que les chiens pour personnes épileptiques : avant la survenue d’une crise d’hypo ou d’hyperglycémie, dont ils ont appris à détecter l’odeur, ils doivent alerter leur bénéficiaire en lui tapotant la cuisse avec leur museau. Ils peuvent aussi aller chercher une personne ou quelque chose de sucré. Et au-delà de leur fonction d’alerte, ils assistent leur bénéficiaire nuit et jour, le rassurent, l’apaisent et lui redonnent confiance en lui. L’association ACADIA est la première en France à avoir développé cette solution innovante et non invasive visant à améliorer la qualité de vie des enfants diabétiques. Complémentaire aux dispositifs médicaux existants, elle concerne actuellement quatre premiers bénéficiaires, mais ACADIA prévoit de remettre gratuitement 10 à 20 chiens par an.
Les chiens de zoothérapie et de médiation animale
La science a prouvé les nombreux bénéfices de la présence du chien aux côtés de l’Homme, y compris sur son lieu de travail. Le chien de compagnie, vecteur de bien-être et de lien social, est un excellent anti-stress et permet de garder la forme.
Ainsi, le chien n’a pas forcément besoin du statut particulier de « chien d’assistance » pour faire du bien autour de lui. Grâce à sa capacité innée à donner de l’amour à son maître, il apporte un soutien et un réconfort qui peuvent même dépasser les attentes d’un propriétaire de chien. Parfois, ce « super-pouvoir » donne naissance à d’incroyables belles histoires : une fois adoptés, des chiens au passé douloureux se révèlent de formidables compagnons qui semblent reconnaissants envers leur nouvelle famille. Il n’est pas rare, en effet, de lire des témoignages d’adoptants qui expliquent qu’en sauvant un chien, ce sont eux-mêmes qui ont été sauvés.
Cela pousse certains propriétaires de chiens particulièrement sociables à faire profiter des bienfaits de la présence canine à d’autres personnes. Un chien qui met sa joie de vivre et son amour au profit de nobles causes peut ainsi devenir « chien de médiation animale ou de zoothrépie ». Cette activité, qui se développe de plus, peut se pratiquer notamment dans les prisons, les maisons de retraite et établissements spécialisés. Le chien, qui appartient à une personne référente, peut alors rendre visite à des personnes en difficulté et les faire participer à des ateliers visant à améliorer leurs conditions.
Voici quelques exemples de projets de médiation animale et de zoothérapie :
- L’association Parole de chiens, entre autres, permet aux propriétaires de chiens de se rendre dans des EPHAD avec leur animal pour mettre de la vie dans des univers qui en manquent.
- L'association Cœur d’Artichien dont les chiens se rendent à la maison d’arrêt de Nantes afin de redonner le sourire aux femmes détenues.
- L’EPHAD de La Bastide (Périgord), lui, permet de faire profiter les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer (ou de démences apparentées) des bienfaits du chien.
- Le Centre Hospitalier Esquirol de Limoges où deux chiennes y aident des malades psychiatriques,
- Le Centre Hospitalier Philippe Pinel où Fatou la Cavalier King Charles est zoothérapeute (thérapie assistée par l'animal) auprès de personnes schizophrènes, notamment.
- L’Institut de Victimologie de Paris porte beaucoup d’espoirs en la médiation animale : il organisera prochainement des rencontres entre des personnes ayant subi un traumatisme psychologique, et des animaux du refuge AVA (Aide aux Vieux Animaux) afin de créer ou recréer un lien affectif et social essentiel à leur reconstruction respective.
Les initiatives de médiation animale, aussi nombreuses que variées, sont même récompensées à différentes occasions : Les Trophées des Chiens Héros, le Prix Purina BetterWithPets ou encore le Prix AnimauxSoigneurs de la Fondation Affinity sont autant d’occasions de mettre en valeur la puissance de la relation entre l’Homme et le chien, afin de la promouvoir et de la développer toujours davantage.
Les chiens dépisteurs de maladies
Outre les chiens qui assistent l’Homme, il en est d’autres qui contribuent à sa santé d’une façon bien différente : ce sont les chiens dépisteurs de maladies. Ces chiens, sélectionnés pour leur flair extrêmement performant, apprennent à renifler et à reconnaître l’odeur du cancer ou encore de la maladie de Parkinson.
Leur rôle n’est pas d’assister un bénéficiaire dans son quotidien, mais de participer à des recherches scientifiques qui permettront de déterminer si telle ou telle personne souffre d’une maladie. Cette technique non invasive et peu coûteuse est porteuse d’espoir : à titre d’exemple, le projet KDOG de l’Institut Curie, qui vise à étudier l’efficacité des chiens « renifleurs de cancer du sein », a obtenu des résultats très prometteurs – 100% de réussite – lors de sa première phase de test, comme le montre cette vidéo :
Chiens guides, d'assistance, de médiation... Quel financement ?
Au vu des résultats très positifs obtenus par les scientifiques ayant observé les bienfaits du chien sur l’humain, tout porte à croire que ces « chiens soigneurs » devraient être de plus en plus nombreux au fil des ans. Cela serait profitable à toutes les personnes qui en font la demande, quel que soit le domaine, mais également d’une certaine manière à l’Etat en soulageant la Sécurité sociale : un chien d’assistance pour personne diabétique, par exemple, peut permettre à son bénéficiaire d’éviter des comas glycémiques qui nécessitent plusieurs jours d’hospitalisations… De même, un chien zoothérapeute qui aide un malade psychiatrique, peut contribuer à diminuer le traitement médicamenteux de ce dernier.
Cependant, la formation des chiens soigneurs, lui, a un coût, et il n’est pas pris en charge par l’Etat contrairement à d’autres pays européens (en Allemagne, entre autres, c'est l'Etat qui finance la formation des chiens pour personnes diabétiques). Pour que les chiens d’assistance puissent tous être remis gratuitement à des bénéficiaires, les associations qui les forment ont besoin de dons à défaut de subventions. Il faut compter entre 15 000 et 25 000 euros pour élever et former un chien d’assistance, en fonction de son activité.
Qu'en est-il du respect de l'animal ?
Au-delà du coût, une autre problématique est à soulever : celle du bien-être animal. En effet, les chiens d'assistance et de dépistage sont en très grande majorité issus d'élevages (principalement de Labrador, Golden Retriever, Caniche, Malinois, Berger blanc suisse...) où ils naissent et grandissent dans le but de remplir leurs futures fonctions (certaines associations recrutent cependant leurs chiens dans les refuges). Ces attributions sont définies pour eux avant même leur mise au monde, et toute leur vie ne sera rythmée qu'en fonction de cet objectif à atteindre. Par conséquent, cette formation nécessite une très grande rigueur impliquant quelquefois des frustrations pour le chien qui n'a plus tout à fait le droit d'exprimer ses comportements naturels. Or, le chien reste avant tout... un chien.
Solène Grivolat, présidente de l'association Acadia, en est bien consciente : « On ne forme pas un chien pour devenir un robot, le bien-être de l’animal est au cœur des préoccupations », a-t-elle affirmé lors de la cérémonie de remise des trois premiers chiens pour personnes diabétiques. C’est aussi l’avis de Jean-Luc Vuillemenot, conseiller auprès du président d’Handi’Chiens : « Une réalité à prendre en compte est le bien-être du chien : il a des moments de liberté, il n’est pas tenu d’être aux côtés de son maître non-stop. Il ne s’agit pas de le maintenir en alerte permanente. Au contraire, il faut limiter la contrainte et laisser le chien vivre sa vie de chien ».
Mais à propos de la médiation animale - pratiquée notamment par des personnes non formées qui surfent sur cette "mode" des chiens médiateurs -, Alice Mignot, diplômée de psychologie et d'éthologie, est davantage sur la réserve : « En France, l’animal médiateur n’est pas suffisamment considéré comme un sujet, mais plutôt comme un outil, un objet de spectacle. Au lieu d’être acteur, l’animal est mis de côté, il n’est qu’un accompagnateur, ce qui laisse finalement peu de place aux interactions spontanées ». Or, il est important de prendre en compte le caractère émotionnel l'animal, qui, en état de détresse acquise, peut souffrir de stress, et même de burn-out. « Certains animaux ne sont pas faits pour ça, ils n’aiment pas être manipulés ou passer des heures au sein d’un groupe de personnes… C’est très fatigant pour eux ! Ce n’est pas parce que la zoothérapie et la médiation animale font du bien à l’humain que cela doit se faire au détriment de l’animal », rappelle Alice Mignot pour qui il serait nécessaire d'imposer un cadre à la médiation animale.
Ce cadre pourrait commencer par des formations reconnues par l'Etat ainsi que par des contrôles réguliers. Cela pourrait d'ailleurs s'appliquer à toutes les pratiques impliquant des chiens d'aide à la personne (de médiation, d'assistance, de dépistage...). Un véritable cadre permettrait ainsi de limiter les éventuels abus et de garantir la bientraitance des chiens destinés à servir l'Homme... a fortiori si ces chiens sont amenés à être de plus en plus nombreux pour répondre à une demande très importante.
La place des chiens soigneurs dans la société et l'accessibilité
Enfin, la dernière question relève à la fois de l'éthique et de la législation : si l'emploi de ces chiens est souvent complémentaire à d'autres protocoles déjà existants (recherches scientifiques et technologiques, traitements médicamenteux...), reste à définir leur place dans la société : quel rôle et quels droits attribuer à des chiens qui ne font pas toujours l'unanimité auprès des scientifiques, voire qui représentent une menace pour certains lobbies ? Et quelle place leur octroyer dans une société qui, trop fréquemment ignorante, n'imaginerait même pas que de tels chiens existent ?
A l'heure actuelle, les chiens guides et d'assistance sont autorisés dans tous les lieux ouverts au public ainsi que dans les transports (article 88 de la loi n°87-588 du 30 juillet 1987, modifié par la loi du 5 août 2015). Pourtant, des incidents arrivent encore et il n'est pas rare de voir une personne déficiente visuelle se faire refuser d'un supermarché à cause de son chien guide. Deux enquêtes nationales ont démontré la méconnaissance du grand public et des professionnels quant à la législation et le comportement du chien guide et d'assistance. Or, dans une société fonctionnant au ralenti sur la question de l'accessibilité, comment pourrait-on espérer que des enfants puissent un jour aller à l'école - et des adultes au travail - avec leur chien d'assistance sans que cela cause le moindre blocage ?
Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir pour que les activités des chiens soigneurs, aussi variées soient-elles, puissent se développer dans la pérennité. La France a bien du retard à rattraper sur certains de ses voisins européens. Il est désormais du devoir du gouvernement de réfléchir à l'avenir de ces chiens d'exception qui dédient leur vie à la nôtre, et de répondre concrètement aux questions de leur financement, du respect de leur bien-être, et de leur place dans la vie des citoyens.
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