Le loup et son descendant le chien sont des prédateurs : cela signifie que, pour survivre, ils doivent être en mesure de débusquer, de poursuivre et de tuer des animaux d’espèce différente, plus petits (lapins et lièvres, par exemple) ou beaucoup plus gros qu’eux (cerfs, élans, etc.).
L’instinct prédateur (qu’il serait plus correct d’appeler pulsion prédatrice) s’avère profondément enraciné chez les canidés, comme toutes les pulsions servant à garantir la survie ; la sélection pourra accentuer ou atténuer ces caractères, mais jamais les inhiber complètement, car ils font partie de la nature canine.
En matière de prédation comme en matière sexuelle, le comportement est régi par un grand nombre de gènes et semble renvoyer à divers loci (fragments de la molécule d’ADN) de chaque gène. La pulsion prédatrice s’amorce sous l’action d’un stimulus susceptible d’engendrer chez le chien un véritable besoin de poursuivre et de capturer : dans la nature, ce stimulus consiste presque exclusivement en un animal d’une espèce différente qui se déplace rapidement.
Le chien domestique (hormis ceux de chasse) n’a cependant presque jamais l’occasion d’assouvir naturellement cette tendance à la prédation : c’est la raison pour laquelle il a parfois recours à des soupapes d’échappement, en assimilant la proie à des objets qui ne sont en réalité pas comestibles, mais qui se déplacent vite. Tel est le mécanisme sur lequel repose les courses après les vélomoteurs, les voitures, les bicyclettes, etc.
Le chien aura encore plus tendance à choisir pour proie les animaux qu’il ne doit pas manger en vertu uniquement de nos règles, mais qui représentent pour lui la victime idéale car ils sont de petite taille, courent à une vitesse accessible et ne disposent pas d’armes défensives particulièrement efficaces : c’est le cas des poules, des lapins et des chats. S’il ne les a jamais rencontrés pendant la phase de socialisation et n’a pas appris qu’ils appartiennent au genre humain, le chien poursuivra également les enfants, surtout si ces derniers se sauvent en criant à sa vue.
L’instinct prédateur s’avère très utile pour dresser le chien à accomplir diverses tâches : outre la chasse (à l’évidence), il intervient aussi dans l’apprentissage de la défense, qui s’enseigne en stimulant non pas l’agressivité – comme certains le croient encore –, mais la pulsion prédatrice, justement.
On incite les jeunes chiens à mordre en faisant danser devant leur museau un sac animé par l’assistant qui simule ainsi les comportements de fuite typiques de la proie. Après le sac, on passe au boudin, puis à la manchette, en s’arrangeant toujours pour que le chien ait envie d’attraper et de mordre l’objet-proie. Au terme de l’exercice, en effet, le boudin ou la manchette lui sont offerts en récompense pour qu’il puisse les « tuer » (ce qu’il fait systématiquement en les secouant et en les mâchonnant avec une satisfaction manifeste).
La balle, qui devient pour de nombreux chiens en phase de dressage la récompense la plus convoitée, représente elle aussi une proie. Plus que d’un mécanisme de remplacement, néanmoins, on peut davantage parler dans ce cas de néoténie, à savoir de maintien d’une caractéristique infantile.
Comme nous l’avons dit plusieurs fois, les chiots apprennent toujours par le jeu et, dans la nature également, améliorent la gestion de leur comportement de prédateurs en se servant de petits objets qui roulent quand ils les poussent (pierres) ou qui sont agités par un autre chiot (brindilles, par exemple).
Continuer à désirer follement ces menus objets (balles et boudins, pour le chien domestique) équivaut à rester au stade psychologique du chiot, comme cela se produit en réalité chez nos chiens néoténiques.
Les races situées le plus haut sur l’échelle néoténique (comme les lévriers et les chiens nordiques) manifestent généralement un très faible intérêt pour la balle dès qu’ils ont franchi l’étape de l’enfance, même s’il s’avère possible d’entretenir leur intérêt pour le jeu en faisant comprendre au chien que la balle est un intermédiaire permettant de bénéficier des attentions du maître.
Utile à l’homme, l’instinct prédateur n’a été inhibé chez pratiquement aucune race canine. Cela signifie qu’il est toujours prêt à se manifester, et ce de façon parfois malvenue. Le maître du chien devrait toujours prévenir les actions visant de mauvaises proies, en fixant de véritables tabous à l’égard de ces dernières.
Le chien doit savoir que le fait de se comporter en prédateur visà- vis de chats, de petits oiseaux, d’enfants, de voitures, etc., déplaît au maître : pour obtenir ce résultat, il suffit de présenter ces stimuli au chiot et d’intervenir par un « Non ! » sec dès que l’animal esquisse une attitude prédatrice.