A 18 mois, Crapule est une jolie petite chienne Parson Russel Terrier. Un vrai clown, plein d’énergie et de joie de vivre. Elle est arrivée chez ses maîtres à deux mois et demi après une « enfance » heureuse et un sevrage réussi. En dehors de petites facéties de chiot, il faut bien faire honneur à son nom… tout se passe plutôt bien.
Un grand appartement douillet, de nombreux sentiers de promenades à proximité, des maîtres sympas, bref, le rêve pour ce petit chien. Une bonne balade le matin, un petit tour à midi et une partie de ballon le soir, voilà de quoi se dépenser pour ce petit concentré de vitalité.
Mais voilà, depuis quelques temps, les voisins se plaignent. Crapule ne supporte apparemment plus d’être seule et quand ses maîtres sont au travail, elle aboie sans cesse. Evidemment, dans un immeuble, ce n’est pas du meilleur effet et les relations de bon voisinage s’en trouvent détériorées. Alors que faire ? La situation est très gênante pour les maîtres et il leur faut trouver une solution rapidement ! Première chose à faire, planter le décor. Pour cela trois grandes étapes se mettent en place.
Connaître le chien et ses maîtres
Première étape : Tout savoir sur Crapule
- l’origine de Crapule (provenance, âge à l’acquisition, santé, traitement en cours)
- son suivi vétérinaire : Crapule bénéficie-t-elle d’un suivi vétérinaire régulier (si non, commencer par là)
- les essais : les maîtres ont-ils déjà essayé des méthodes (lesquelles pour quels résultats)
Seconde étape : le diagnostic de la situation
- le quotidien de la chienne au sein du foyer (habitudes, horaires, lieu de vie, relation avec les étrangers, relations avec les autres chien, apprentissages au cours de sa vie…)
- le comportement du chien : depuis quand ce genre de troubles sont apparus et les maîtres ont-ils remarqué d'autre choses ?
- les maîtres : pourquoi ont-ils choisi ce chien, quels sont les changements récents dans leur vie (déménagements, arrivée d’un enfant, horaires de travail, problème de santé…)
- la relation de la chienne avec chacun des membres de la famille (pot de colle, obéissante, indépendante, agressive…)
- les maîtres ont-ils déjà eu un chien et comment cela s’est-il passé ?
- Que font les maîtres vis-à-vis de la chienne lorsqu’ils partent et rentrent chez eux ?
- Quelle attitude ont-ils depuis l’apparition du comportement gênant ?
La troisième étape consiste à expliquer comment fonctionne Crapule, quelles sont les règles qui lui sont nécessaires et ce qu’elle perçoit réellement de notre quotidien et de nos habitudes.
Chacune de ces étapes devra être la plus détaillée possible. Décrire précisément tout ce qui se passe (quand, où, comment, combien de temps, combien de fois, avec qui…) va permettre au comportementaliste canin de faire un bilan global de la situation.
Bien souvent, avec un questionnement précis sur chaque information, on s’aperçoit qu’il y a un comportement principal, celui pour lequel les personnes appellent, mais il y en a aussi plusieurs petits qui peuvent paraître insignifiants mais qui pour un œil avisé, sont porteurs d’informations essentielles. Parfois même les maîtres ne l’ont même pas remarqué mais c’est en discutant et en répondant aux questions du comportementaliste que l’information remonte.
Trouver l'origine du trouble du chien
Au regard de ces trois étapes, le comportementaliste doit pouvoir déceler l’origine du comportement. Pourquoi diable Crapule agit de cette manière ? Quel est le message qu’elle essaie de faire passer ? Que faire pour arrêter ça ? Les origines possibles se décomposent en 4 grandes parties :
- l’origine du chien et son état de santé
- l’écologie du chien : ses besoins vitaux sont-ils respectés ? (nourriture, exercice, relations avec les gens et avec les autres animaux, stimulation…)
- la relation de dominance est-elle bien du maître envers le chien et non l’inverse
- au quotidien, les maîtres vivent-ils (ou ont-ils vécu) une situation qui pourrait toucher le chien (maladie, handicap, dépression…)
Il est souvent question de hiérarchie, car même un chien obéissant, joyeux et dénué de toute agressivité peut néanmoins être dominant. Ce qui peut expliquer qu’il a installé sa dominance petit à petit sans que ses maîtres s’en aperçoivent, en grignotant du terrain progressivement, jusqu’à l’arrivée d’un comportement qui là, vraiment, sera gênant pour eux. A un moment, il faut bien s’exprimer clairement !
Dominance ne veut pas dire agressivité et c’est pour cela qu’il est si difficile pour des maîtres de penser que leur petit toutou est en fait un lion dans l’âme.
Comment rétablir la hiérarchie maître - chien ?
Tout d’abord, ce sont bien les maîtres qui vont agir ; le chien lui, qui passe son temps à nous observer et à se caler sur nous, ne fera que s’adapter aux nouvelles règles de ces derniers.
Pour faire passer le message de façon claire pour le chien le maître devra agir sur les trois règles de vie de ce dernier :
Le territoire
(place du chien dans la maison, panier, lieu du repas, accès aux pièces…)
- le chien a une place bien définie dans la maison en dehors des lieux de passage (face à une porte, sur un pas de porte, en haut des marches, sur une position surélevée, au centre de la pièce…)
- accès à toutes les pièces sauf toilettes (si si, c’est vrai, ça existe !), et salle de bain (pour la chambre et le reste, à voir selon le cas)
- il accueille les visiteurs après que ses maîtres l’aient fait (quitte à le mettre à l’écart les 10 premières minutes)
- il passe après vous, ne vous bouscule pas et attend votre ordre pour monter et descendre de la voiture
La nourriture
(quand, où, comment donner à manger à son chien et ce que cela veut dire pour lui)
- dans la nature un dominant mange avant les dominés. Pas question de modifier votre heure de repas mais juste d’adapter cette règle au quotidien des maitres (préparer la gamelle de façon à ce que le chien vous voie faire, la mettre hors de sa portée, attendre que le chien arrête de la réclamer, attendre encore un peu et lui donner)
- contrôle de l’accès à la nourriture : une fois le repas terminé (c’est-à-dire que le chien s’est éloigné de sa gamelle) on ramasse tout, même s’il n’a pas fini (il finira la prochaine fois) et on ne ressort la gamelle que pour le prochain repas. L’eau reste à disposition.
La relation du chien avec le maître
(comment vivre ensemble et séparé, comportement vis-à-vis du chien au quotidien, dehors, à la maison, dans la voiture, chez des amis, que faire lorsqu’on s’en va, lorsqu’on revient…)
- garder l’initiative de tout : câlin, sorties, nourriture, contacts. Vous pouvez faire autant de câlins et jouer autant de fois que cela vous fait plaisir mais quand vous le décidez
- attendre que Crapule cesse de réclamer pour lui accorder (elle comprendra alors que c’est lorsqu’elle est calme qu’elle obtient)
- à la fin du jeu, récupérez le jouet qui vient de servir et rangez-le
- ignorer pour mieux s’en occuper. Ignorer Crapule par moment et choisir des moments où elle a toute votre attention. Elle saura alors quand vient son moment et que le reste du temps elle n’est pas la priorité.
- « Tu restes là, tu es sage, je reviens, ne fait pas de bêtise » Ces petites phrases que nous disons n’ont pour conséquence que de prévenir Crapule qu’il se passe quelque chose. Elle s’inquiète et doit trouver un moyen d’évacuer son stress. Ne dites rien quand vous sortez et quand vous rentrez, posez d’abord vos clés, votre sac, enlever chaussures manteau, ouvrez votre courrier…. Bref, là encore Crapule n’est pas la priorité. Quand il sera calme vous pourrez lui dire bonjour.
Banaliser un événement est le meilleur moyen pour que votre chien n'y accorde pas d'attention
L'importance du cas par cas
Il ne s’agit pas ici de bouleverser tout le quotidien des maîtres mais bien de composer avec leur façon de vivre et de s’adapter tout en respectant les besoins du chien. C’est une méthode douce qui aide le chien à se repositionner et à s’adapter à son nouveau rôle.
L’intervention est donc globale et se focaliser juste sur le problème sans travailler sur tous les aspects de la relation mènerait à un échec. C’est pourquoi une consultation de comportementaliste canin dure longtemps et que le travail se planifie sur plusieurs semaines. C'est le temps nécessaire à la fois aux maîtres et à Crapule pour comprendre et accepter cette nouvelle distribution des rôles dans la maison.
C’est pourquoi je propose toujours un second rendez-vous environ trois semaines après ma première visite. En règle générale, cela suffit. D’autre part, il faut aussi bien tenir compte de la spécificité de la relation. Un cas est unique et même s’il y a de grandes lignes à respecter qui sont incontournables, il est nécessaire d’étudier sérieusement chaque situation et de tenir compte de ce que les personnes souhaitent.
Travailler sur la hiérarchie est toujours très utile et suffit souvent à ce que le comportement s’atténue et disparaisse. Cependant pour ce qui est des autres origines possibles (origine du chien, écologie du chien et situation de la vie des maîtres) il sera nécessaire de mettre en place d’autres objectifs sur mesure pour proposer des solutions que les maîtres pourront mettre en place à moindre changement (exemple en cas de maladie, ou de handicap soudain).
Vous l’aurez compris chaque cas est unique et il est impossible de faire une liste exhaustive de toutes les origines possibles d’un trouble. Méfiez vous alors des solutions toutes faites. S’il suffisait d’ignorer son chien pour qu’il apprenne à rester seul, cela se saurait !
Article rédigé par Valérie BARRE pour Wamiz.com
Comportementaliste canin - Côté chiens
www.cotechiens.fr
Et sur Wamiz.com dans l’annuaire Comportementaliste