La revue Médecine et Maladies Infectieuses a publié un nouveau cas d’infection par C. canimorsus en France 1, chez un homme alcoolo–tabagique de 56 ans, qui a dû être amputé récemment. Les chercheurs relèvent ainsi quelques cas par an, qui font souvent les gros titres des journaux.
Pourtant, seulement 500 cas ont été relevés depuis sa découverte en 1976, et en France, les médecins ont recensé 4 cas depuis début 2017. La bactérie C. canimorsus étant présente dans la salive du chien, quel danger représente-t-elle réellement pour nous les Humains ?
A quel point la salive des chiens et chats est-elle « sale » ?
Le chien et le chat sont des animaux qui utilisent beaucoup la langue pour explorer leur environnement et communiquer. Le léchage est une activité d’entretien, et qui participe également à la communication (surtout entre les chiens). La gueule est donc un milieu chargé en bactéries, et certaines peuvent être dangereuses si elles passent dans le sang. Dans certains cas très rares, la salive du chien peut donc être dangereuse pour un humain ayant une morsure ou une autre blessure sur le corps.
C’est le cas de Capnocytophaga canimorsus, une bactérie qui est présente naturellement dans la salive des chiens et des chats (mais aussi des humains ! 2 ). Elle est parfois responsable d’infections graves chez l’humain, notamment en cas de léchage ou morsure.
Il ne faut pas voir toutes les bactéries comme des éléments mauvais pour la santé : de la bouche au rectum, le tube digestif est rempli de bactéries diverses, qui ont souvent un rôle à jouer dans l’immunité et la digestion. Un mammifère abrite dans son corps plus de bactéries qu’il n’a de cellules lui-même, et elles sont indispensables à sa survie.
Ce qui rend une bactérie dangereuse, c’est ce qu’on appelle son pouvoir pathogène : sa capacité à sortir de son milieu « normal » pour provoquer des dégâts ailleurs. Il y a donc de « bonnes bactéries aux bons endroits », mais une bactérie peut rapidement devenir pathogène si elle se retrouve dans un milieu où elle n’est pas présente naturellement.
Or, les bactéries présentes dans la bouche provoquent souvent des dégâts si elles se retrouvent dans le sang, par exemple. Une morsure profonde, qui traverse la peau, présente donc le risque de s’infecter, et de nombreuses bactéries sont souvent mises en cause. Mais il y a des variations, en fonction des espèces de bactéries, elles ne sont pas toutes responsables de zoonoses (maladies qui passent de l’animal à l’homme).
Quels sont les risques d’infections par C. canimorsus via la salive du chien ?
La prévalence de C. canimorsus varie de 19 à 74% chez les chiens, et de 21 à 57% chez les chats. La peau forme normalement une barrière impénétrable pour la grande majorité des micro-organismes, si bien que la transmission aux humains se fait principalement par des morsures de chien (97%) ou de chat (3%), des égratignures, et parfois des coups de langue ou un simple contact.
Dans le cas des chiens, plusieurs souches de bactéries ont été identifiées dans la salive 3. Dans le genre Capnocytophaga, on notera C. canimorsus, mais aussi C. canis, et C. cynodegmi. C'est l'espèce canimorsus qui a le plus été étudiée, avec trois souches dangereuses chez l’humain (A, B et C). Ces bactéries en particulier peuvent être très virulentes, mais ce sont les C. canimorusus les moins présentes chez le chien ,ce qui expliquerait le taux faible de transmission à l'homme.
Des facteurs favorisants ont été relevés, comme le fait d’être immunodéprimé, fumeur ou alcoolique. Les cas d’infections qui ne font pas suite à une morsure rapportent souvent des lésions ou plaies déjà présentes sur le corps avant l’infection. Cela dit, le passage via des muqueuses n’est pas exclu.
L’infection démarre généralement par de fortes fièvres, puis la bactérie envahit le sang (septicémie) et provoque de graves lésions nécrotiques. Sans antibiotiques, le pronostic peut rapidement s’assombrir, et conduire à la mort.
Pour être clair, le risque d’infection via cette bactérie est donc très faible. Mais comme j’aime le rappeler, le risque est le produit du danger, par la probabilité qu’il arrive : ici, la probabilité est très faible, mais le danger reste important, d’où l’intérêt d’être averti et vigilant.
Au moindre signe d’infection, suite à une morsure ou un léchage sur une plaie, ou encore chez une personne au système immunitaire altéré, vous devez consulter un médecin.
Que faire si je pense avoir une infection ?
La rapidité avec laquelle vous intervenez au moindre signe d’infection est décisive : cette bactérie répond très bien à une antibiothérapie, mais le pronostic s’assombrit très rapidement si on ne la traite pas, car elle provoque des dégâts considérables dans les tissus. Des patients pris en charge trop tardivement ont survécu, mais en perdant un ou plusieurs membres, et certains sont décédés.
En soi, ces conseils sont valables pour tout contact avec un animal. Evitez les contacts comme les léchages sur une peau abimée. Suite à n’importe quel contact avec une muqueuse ou le sang, vous devez nettoyer et désinfecter la plaie (5 minutes sous un flux d’eau avec savonage, et désinfection).
Par exemple, la célèbre maladie des griffes du chat, dûe à une bactérie nommée Bartonella, peut donner des signes importants d’infection en moins de 12h si elle touche une articulation. C’est également une bactérie présente dans la salive des chats, et qu’on retrouve également sur leurs griffes.
Si vous relevez des symptômes comme fièvre, tremblements, vomissements, et signes locaux d’infections (œdème, pus, nécrose, cyanose), consultez un médecin rapidement.
Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz
Biobliographie :
- Méningite bactérienne à Capnocytophaga canimorsus
Médecine et Maladies Infectieuses, Volume 48, Issue 6, September 2018, Pages 419-421 - Capnocytophaga : New genus of gram-negative gliding bacteria I. General characteristics, taxonomic considerations and significance
Archives of Microbiology, July 1979, Volume 122, Issue 1, pp 9–16 - Sepsis caused by newly identified Capnocytophaga canis following cat bites: C. canis is the third candidate along with C. canimorsus and C. cynodegmi causing zoonotic infection.
Intern. Med. 57, 273–277 (2018)
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