Une étude sortie aux Etats-Unis s’intéresse à l’aspect sanitaire des aliments crus pour animaux. La conclusion de l’étude fait beaucoup de bruit parmi les médias anglo-saxons : les chercheurs ont trouvé des bactéries responsables de maladies transmissibles à l’homme.
Le BARF pour chiens et chats est-il dangereux pour nos animaux et pour nous ?
C’est une question qui revient souvent dans le débat publique, et pour cause : l’aspect sanitaire de notre alimentation est essentiel. Mais ces dernières années, le débat s’est mélangé entre les spécialistes de l’alimentation et les lobbyistes, ce qui nous a amené à entendre des recommandations puis leur contraire en très peu de temps.
Le Pet Food n’échappe pas à cette règle, avec de nombreuses nouvelles marques et de nouveaux modes d’alimentation. Il en est un qui se développe rapidement pour les chiens et les chats : une alimentation à base de viande crue, appelé le BARF (pour Biologically Appropriate Raw Food).
L'étude américaine apporte des éléments de réponse à la question du danger de ce mode d'alimentation, mais il convient d'analyser les résultats de l'étude en détails pour arriver à une conclusion raisonnée. Avant tout, il faut commencer par savoir ce qu'est exactement le BARF pour chiens et chats.
Qu'est-ce que le BARF pour chiens et chats ?
Le principe du BARF pour chiens et chats est fondé sur l’idée que les croquettes habituelles ont des compositions chimiques qui ne correspondent pas à l’alimentation naturelle, et propose un régime avec des aliments peu voire pas transformé de manière industrielle. Notamment, et pour le sujet qui nous intéresse, les processus de stérilisation et la cuisson sont bien inférieurs à un aliment industriel classique.
A la base, cela part d’un constat réel et s’appuie sur des arguments solides pour développer ce concept : on observe en effet beaucoup plus de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ces dernières décennies, et l’idée d’aller vers l’aliment le moins transformé qui soit est cohérente ; on sait comme les différentes formes de cuisson peuvent dénaturer les molécules complexes et faire perdre en qualité nutritionnelle (je ne parle pas du goût mais uniquement de la composition chimique et de la digestibilité).
Qu’est-ce qu’un bon aliment pour chiens et chats ?
Il convient de rappeler ce qui détermine un bon aliment, brièvement, car cela est souvent négligé.
Si on oublie le goût, un aliment se caractérise de deux manières : il y a d’abord sa qualité nutritionnelle (sa capacité à nous nourrir), et ensuite la salubrité (sa capacité à ne pas nous rendre malade). La chose très importante à retenir est que le risque zéro n’existe pas. On recherche souvent sans le dire la limite, le seuil à ne pas dépasser pour avoir un risque infinitésimal.
Mais ce risque n’est jamais zéro ; autrement dit, on trouve des bactéries dans presque tous les aliments, pas seulement dans les préparations BARF pour chien et chats, et c’est l’utilisation qu’on en fait qui détermine si on tombe malade en le consommant ou pas.
D’où les règles de conservation et les durées de péremption : l’aliment n’a pas besoin de se contaminer dans le milieu extérieur, la majorité des bactéries qui peuvent nous faire tomber malade sont déjà dans l’aliment. Le froid limite généralement leur développement et si la chaîne du froid est respectée, l’aliment est sûr et ne provoque pas d’intoxication alimentaire.
C’est très important de distinguer cet aspect de la qualité nutritionnelle de l’aliment (c’est-à-dire sa composition et sa digestibilité), car les deux sont souvent opposés. Par exemple, une cuisson sûre pour une viande (qui la débarrasse de toutes les bactéries qu’elle contient), c’est minimum 50° à cœur pendant 30min, ce qui vous transforme n’importe quel steak en semelle, vous en conviendrez.
C’est le problème qu’on a avec le petfood : on cherche à revenir à une qualité nutritionnelle moins industrielle, il y a des chances qu’on le paie sur l’aspect sanitaire, c’est impossible de faire autrement, et ça reste un choix éthique entre deux risques…
Donc armé de ces connaissances, on prend conscience qu’il y a des « résidus » dans TOUS les aliments. C’est le cas de nos propres aliments crus : poissons et fruits de mer sont connus pour ça, à juste titre. La question essentielle (rarement posée), c’est de savoir si la dose présente est dangereuse pour nous.
Je me permets d’insister, car c’est trop peu souvent évoqué, nos médias ont tendance à exagérer démesurément les risques. C’est le cas des médias anglo-saxons ayant repris l’article, qui concluent rapidement que donner de l’alimentation crue à nos animaux est irresponsable, sans même faire le parallèle avec nos habitudes.
Que peut-on apprendre d’un article scientifique ?
Maintenant regardons de plus près cette étude. Le résumé accessible gratuitement est dense et synthétique : il rappelle ce que les chercheurs ont étudié, et ce qu’ils ont trouvé. L’étude portait sur quelques dizaines de régimes petfood, en cherchant spécifiquement des maladies transmissibles à l’homme.
Ils ont trouvé la présence de bactéries connues : la célèbre E. coli, ainsi que Listeria, Salmonella et des parasites, notamment Toxoplasma. Les proportions semblent importantes : environ 50% des aliments étudiés contiennent listéria, 80% E. coli, et autours de 10% avec des parasites.
Ces chiffres paraissent importants, mais il faut immédiatement les comparer à ce qu’on trouve en humaine. Or, ces données sont souvent sous-estimées. Il y a un adage scientifique qui dit « quand on cherche quelque chose, on le trouve à coup sûr », il met en évidence un biais qui nous fait sous-estimer ce qu’on n’imagine pas, et ce qu’on n’a pas encore trouvé. Ce proverbe est vraiment évident chaque fois qu’on étudie nos aliments.
On est exactement dans ce cas-là : les études sur l’alimentation (humaine ou animale) mettent souvent en évidence la présence de nombreux pathogènes. Donc ces chiffres sont importants, mais pas surprenants, et on trouve des résultats comparables dans nos propres aliments (et oui).
Ce qui est important, c’est combien de ces aliments sont dangereux pour la santé si on les ingère, où autrement dit, combien contiennent la dose suffisante pour nous intoxiquer. Car trouver une bactérie ne suffit pas (comme dit plus haut, il y en a très souvent), il faut qu’il y en est suffisamment pour que la maladie se déclenche.
Et l’article ne précise pas ces données, car ce n’est pas l’objet de l’étude qui vise à étudier uniquement la composition et la présence des bactéries dans les préparations BARF pour chiens et chats. Elle mentionne le danger potentiel de ces maladies, mais ne précise le lien entre l’alimentation et le nombre de cas observés, par exemple.
Quels sont les réels dangers d’une alimentation crue pour les chiens et les chats ?
Au final, quelles conclusions peut-on tirer de cette étude, pragmatiquement ? La conclusion objective est une mesure de l’importance sanitaire de la préparation des aliments, surtout ceux produits dans un contexte industriel.
L’étude révèle la présence de nombreux microbes en analysant des régimes crus, elle montre donc en effet que le risque est plus important de contracter une maladie en mangeant un régime cru. Cela ne signifie donc pas que le régime est mauvais pour la santé ; c’est ce qui est dit en introduction, de la différence entre la qualité de l’aliment, et son aspect sanitaire. Un régime cru avec une bonne préparation, qui prévoit de limiter les risques sanitaires (en respectant une chaîne de froid rigoureuse, par exemple) peut être tout à fait convenable !
Il n'y a aucun moyen, à partir de l'étude, de connaître l'importance du risque. Un risque, c'est toujours le produit d'un danger avec la probabilité qu'il arrive. E coli ou toxoplasma ne représente pas un danger important, par contre listeria ou salmonella peuvent être dangereuses.
Mais pour ce qui est de la probabilité de tomber malade, vu qu'ils ne précisent pas les doses, on ne sait pas. Il y a des chances pour que ce soit comparable à d'autres aliments crus, je pense ne pas prendre trop de risque en comparant le danger avec celui qu'on a en mangeant des fruits de mer, mais celui qui se place dans l'affirmation pour répondre à cette question a de fortes chances de se tromper.
Par contre, l’étude met le doigt sur un phénomène sans doute difficile à mesurer : l’élan entrepreneurial pour le petfood a vu le nombre de marques et d’aliments exploser ces dernières années, et généralement, ce genre de mouvements collectifs tend à faire diminuer la qualité moyenne du produit.
Le BARF n’échappe pas à la règle, étant tout nouveau. On trouve donc un grand nombre de produits sur le marché qui sont certainement à la limite des mesures sanitaires de préparation et de conservation.
Au final, ce qu’on peut retenir d’une telle étude n’est pas nouveau : l’alimentation crue est moins saine que cuite, et les nouveaux aliments pour animaux sont développés parfois trop rapidement, avec beaucoup qui présentent un risque sanitaire.
Il convient donc de ne pas choisir ce mode d’alimentation sur des critères trop légers. Se renseigner sur l’origine et les modes de préparation et de conservation du produit est une démarche aujourd’hui chronophage mais indispensable.
Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz
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