Il me semble primordial de préciser que l’agressivité est quelque chose de normal chez le chien comme la peur ou la curiosité (que l’on appelle plutôt comportement exploratoire). Ce n’est qu’un comportement exagéré dans ce domaine qui pose problème. Qu’un chien ait du caractère n’est pas si grave, qu’il ait un sale caractère ou qu’il ne sache plus se contrôler en cas de crise est bien plus embêtant.
Outre le fait que le chien descend du loup (mais l’agressivité qu’il avait à l’époque et qui lui permettait de survivre s’est atténuée en partie puisqu’elle n’a plus lieu d’être), un chien comme un humain est un être vivant qui a son caractère. On trouve des timides, des gens posés, des personnes très sûres d’elles et des gens carrément agressifs.
Chez les chiens, c’est exactement la même chose. Bien sûr l’éducation et l’environnement modifient en partie ce caractère. Réel point de divergence entre les deux espèces : la peine de mort (euthanasie) n’est pas abolie chez le chien ! Il en va donc de leur vie que d’être capable de les contrôler et d’éviter ainsi l’irréparable.
Définition de l'agression
« Porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique de quelqu’un. » Il est à noter que dans cette définition, le simple fait de menacer peut être perçu comme une agression, à la limite le simple fait d’être impressionnant pourrait déjà être agressif ! Je crois que dans ce domaine il faut raison garder et nous n’examinerons que les agressions avérées, et bien sûr les moyens de les prévenir.
La notion de menace est malgré tout des plus intéressantes car il faut comprendre à quoi sert la menace. Prenons un exemple tristement célèbre, la bombe atomique ; tous les pays la possédant jurent leurs grands dieux qu’il ne s’agit que d’une force de dissuasion ayant pour but d’empêcher un adversaire potentiel de les attaquer.
À ce titre, la menace chez le chien (grogner, relever les babines, prendre une attitude très raide, fixer l’autre droit dans les yeux…) est particulièrement explicite. Le chien montre l’étendue de sa puissance pour ne pas avoir à s’en servir. Nous reviendrons sur cette notion en reparlant du cas particulier des enfants qui malheureusement le plus souvent ne comprennent pas la menace.
Comme d’autres comportements, l’agression se divise en trois étapes : une phase appétitive (ici la menace), une phase consommatoire (l’agression proprement dite), une phase d’apaisement (trop souvent prise pour une demande de pardon du chien et parfois source d’une seconde attaque !). Nous venons de voir que la menace avait pour but de ne pas passer à l’attaque. C’est pour cela qu’elle se situe en premier dans le déroulement du comportement.
Il faut noter que quel que soit le comportement de votre chien, si vous voulez faire cesser celui-ci, ce sera toujours plus facile si vous l’interrompez lors de la première phase. Dans le cas qui nous occupe, il est plus simple d’empêcher un chien de mordre que de le faire stopper. Il en est de même pour deux ou plusieurs chiens, car s’il devient difficile de les retenir, il est alors presque impossible de les faire lâcher (effet de meute).
Vous avez déjà vu quelles raisons amènent un chien à mordre. Revenons sur quatre d’entre elles. La première est la peur, source identifiée ou non d’un très grand nombre de morsures. La seconde est la méconnaissance des maîtres qui là encore involontairement conduit leur chien à « la faute suprême » surtout quand elle a lieu sur leur propre personne. Un manque partiel ou totale d’obéissance me semble être le troisième élément.
Enfin la notion de distance critique et de distance de fuite qui induit celle où le chien est (ou se sent, c’est sa perception qui est importante) acculé et dans sa tête presque obligé d’agresser. Autre critère important dans la notion d’agressivité : l’idée que l’on s’en fait. Prenons un exemple concret. Durant mes sept années passées à la SPA, il arrivait fréquemment qu’un chien arrive durant l’absence d’un collègue.
À son retour, il reprend le travail et s’occupe du chien sans soucis. Jusqu’au moment où on le prévient que ce chien est là parce qu’il a mordu. Son attitude change, il a tout d’abord une peur rétrospective mais en général n’aborde plus le chien comme la première fois quand il ne savait pas encore. Tout s’enchaîne. D’où certaines campagnes de publicité qui demandent aux gens de ne pas se laisser manipuler par les médias en matière de dangerosité canine et de chiens dits dangereux.
Explication d’une agression ordinaire
Prenez un chien, un corniaud, âgé de deux ans, mâle n’ayant pas eu de cours ni d’éducation ni de sociabilité. Pour agresser il doit monter en pression jusqu’au seuil de déclenchement qui se situe à 10/10. C’est un chien qui a peur du bruit des camions et des bus dans la rue, il connaît les enfants sans qu’il y en ait à son domicile.
Dimanche matin, il fait beau et ses maîtres décident de l’emmener au marché. Ils sont presque arrivés lorsqu’ils croisent un groupe d’enfants avec leurs accompagnateurs se dirigeant vers leur bus. Et là tout va très vite : les enfants crient, s’agitent, un premier tente de caresser le chien puis un second, et au troisième, alors que monsieur tente vainement de faire asseoir son chien en lui criant « assis » pour la cinquième fois, celui-ci attrape la main de l’enfant.
Ce qui est intéressant dans ce scénario pas si improbable que cela c’est qu’il s’agit d’une accumulation de faits. Reprenons :
- le chien n’apprécie pas trop les bruits forts de la rue (3/10)
- il ne connaît pas bien les enfants et leur côté exubérant (4/10)
- il n’a jamais été éduqué, ni manipulé sérieusement (3/10).
Chacune de ces situations prises séparément reste gérable, aucune des peurs ou des lacunes du chien n’est importante et pourtant qu’elles viennent à s’ajouter les unes aux autres et l’accident survient : 3 + 4 + 3 = 10/10 !