Nous avons vu que les loups (et les chiens sauvages) en viennent très rarement à l’affrontement final susceptible de provoquer la mort de l’un des deux. Chez les chiens domestiques, malheureusement, les choses s’avèrent plus compliquées.
Il convient de savoir ce qu’il en est exactement, car bon nombre de livres et de traités d’éthologie ou de psychologie canine ont tendance à identifier tous les chiens à ceux fortement « lupoïdes ». Les races canines suivant aveuglément les règles d’une meute de loups sont en réalité relativement rares de nos jours et présentent par ailleurs en leur sein de grosses différences individuelles, souvent induites par l’homme.
Les races qualifiées de primitives et, plus généralement, celles les moins « gâchées » par la sélection ont effectivement encore un comportement très lupoïde : en cas de combat entre deux Huskies sibériens ou entre deux Chiens de Canaan, il est fort probable (mais pas sûr à 100 %) que le problème se réglera avec « plus de bruit que de besogne ».
Chez beaucoup d’autres races, en revanche, la sélection humaine a inhibé (plus ou moins volontairement) les signaux de soumission, de pacification, etc. Dans certains cas (Teckels et Terriers, par exemple), la sélection a engendré un chien hypertéméraire pour éviter qu’il ne batte en retraite devant des bêtes plus grosses et plus féroces que lui : les signaux de soumission (et la propension à fuir) se manifestent donc nettement moins souvent que chez d’autres races. Dans d’autres cas (Bulldog ou American Staffordshire Terrier), le but initial consistait – malheureusement – à obtenir des chiens prêts à s’entretuer pour la joie des parieurs.
On a par conséquent sélectionné des sujets qui alliaient une mâchoire d’une extraordinaire puissance à une faible sensibilité à la douleur ; mais pour que les chiens se jettent aussi l’un sur l’autre, on a dû effacer les mécanismes d’inhibition de l’agression intraspécifique grâce, d’une part, à un dressage ciblé (et dévié, qui sera sévèrement puni par la loi) et, d’autre part, à un travail de sélection génétique.
Il n’est donc plus question aujourd’hui de compter sur la ritualisation quand une bagarre entre chiens éclate : tout dépend des races, mais également de la façon dont chaque sujet a été élevé et éduqué.