Le territoire est le lieu où vit la meute et qu’il convient de défendre avec acharnement contre tout intrus : l’envahisseur peut en effet représenter un sérieux danger (quand il s’agit d’un prédateur) ou bien un rival alimentaire ou sexuel (quand il s’agit d’un membre de la même espèce). Dans tous les cas, mieux vaut que chacun reste chez soi. Les loups (et les chiens) mâles marquent les frontières de leur territoire en urinant : leurs congénères connaissent ainsi parfaitement les limites à ne pas franchir.
Plus le chien (ou le loup) sera dominant et sûr de lui, plus il lèvera la patte haut, comme pour étendre ces frontières. Quand un loup étranger à la meute franchit les limites territoriales, on enregistre trois cas de figure :
- c’est un solitaire dominant, qui entend défier le chef ;
- c’est un solitaire « désespéré », qui veut s’intégrer dans une communauté et s’avère prêt à accepter la suprématie de l’actuel chef de meute, en se soumettant à lui ;
- c’est un loup qui a quitté sa meute mais a ensuite changé d’avis et souhaite y retourner.
L’étranger ou le « fils prodigue » sont parfois acceptés (ou ré acceptés) sans problème, pour peu qu’ils expriment clairement et sans ambiguïté leurs intentions de soumission totale : cela se traduit par des manifestations souvent exagérées – le but étant justement de les pousser au maximum –, qui ressemblent beaucoup à celles des chiots, à savoir des membres situés en bas de l’échelle hiérarchique.
Chez les chiens aussi, on rencontre fréquemment l’attitude de soumission extrême que les chiots réservent aux mâles adultes : glapissements désespérés à la simple approche du chef (comme si le mâle était en train de les égorger, alors qu’il ne les touche même pas), perpétuels renversements sur le dos, émission de gouttes d’urine (la fameuse miction de soumission).
Quand les chiots grandissent, ces épisodes évoluent progressivement vers des rituels nettement plus atténués (tourner la tête, baisser les yeux, donner de petits coups de langue aux coins du museau), mais toujours aussi significatifs : une soumission désormais escomptée peut en effet se traduire par un geste à peine esquissé, qui se contente d’assurer sa continuité.
Le nouveau membre de la meute (ou le revenant) doit en revanche accentuer ses rituels : dans le premier cas, car il s’agit d’une confrontation ex novo avec le chef de meute ; dans le deuxième, car quitter la meute équivaut à manquer de respect au chef, en cessant de reconnaître son autorité. Il faut alors recouvrer sa bienveillance. Si le nouveau membre refuse de se soumettre (ou s’il s’y efforce sans parvenir à gagner les faveurs de la meute), la fuite constitue une alternative très courante au combat.
Telle est en réalité la solution choisie presque systématiquement par les étrangers qui n’ont aucun lien social avec les autres membres : leur attraction envers la meute s’avère plutôt superficielle, et quand ils réalisent que la tentative d’intégration est vouée à l’échec, ils trouvent beaucoup plus logique et pratique de se sauver que d’insister. Le fils prodigue insiste généralement davantage et n’a pas d’autre moyen que de continuer à se coucher sur le dos le ventre en l’air pour essayer de rentrer dans les grâces du chef.