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Conflits entre chiens : la territorialité

Par Éric Duchêne Rédacteur | Journaliste

mis à jour le

Les chiens ne sont jamais fous (hormis de très rares cas de véritable pathologie) ou aveuglément agressifs. Quand ils en arrivent à l’affrontement physique, il y a toujours une bonne raison. Le fait est que ces raisons, parfaitement claires pour les deux adversaires, ne le sont pas forcément pour leurs maîtres.

Examinons les facteurs les plus souvent à l’origine d’un conflit entre deux sujets. Nous avons vu que les animaux sociaux ont d’excellentes raisons d’estimer que leur territoire est sacré et inviolable. Pour le chien, comme pour le loup, le territoire correspond à l’espace où il vit, se nourrit et se reproduit. À l’instar du loup, le chien mâle marque les limites de ce territoire en urinant, tandis que pour la femelle, le territoire est l’espace délimité par l’odeur du mâle alpha.

On en déduit que si le territoire équivaut sûrement pour le chien mâle à la maison du maître (avec, le cas échéant, le jardin attenant)... Le concept s’étend en outre à tous les espaces que nous lui permettons de s’approprier en levant la patte.

Pour la femelle, la situation s’avère légèrement différente : son territoire est celui où le chien mâle dominant (s’il en existe un dans la famille)... ou bien son maître, qui représente (ou devrait du moins représenter) pour elle le mâle alpha, « lève la patte ». Cela signifie que si la femelle ne vit pas en compagnie d’un mâle dominant, elle aura tendance à s’approprier uniquement l’appartement qu’elle occupe... à moins que son maître n’ait l’habitude de faire pipi dans le jardin.

À l’inverse du mâle, elle ne considère pas du tout comme sien le jardin public où on l’emmène faire ses besoins, les rues de la ville ou le jardin des voisins à qui on rend visite, etc. Par ailleurs, la femelle ne défend pas son territoire par la force (elle laisse cette tâche aux mâles), mais a pour devoir de prévenir les mâles au cas où un étranger s’approcherait trop.

Il en résulte que :
- les chiennes vivant exclusivement avec des personnes de sexe féminin développent généralement un faible sens de la territorialité, car nul ne marque leur espace.

- les chiennes vivant avec des personnes ou des chiens de sexe masculin auront tendance à adopter une attitude de défense passive et d’avertissement (en aboyant), pour signaler l’arrivée éventuelle d’un étranger au sein du territoire marqué par le chef de meute, mais en limitant son intervention aux zones considérées comme la propriété effective de la meute, à savoir la maison et (parfois) le jardin, mais ni la rue, ni le jardin public, etc...

- le mâle sera enclin à adopter une attitude de défense active (et donc potentiellement agressive) à l’égard de tout étranger qui s’approcherait du territoire marqué par ses soins (et/ou par son maître, si ce dernier fait figure de supérieur hiérarchique). Il se montrera par conséquent protecteur à l’égard de la maison et du jardin, mais aussi des rues, des jardins publics et de tous les endroits où il aura levé plusieurs fois la patte.

La territorialité s’accentue ou s’atténue en fonction du nombre de mictions effectuées par le mâle, mais également du nombre de chiens différents qui marquent le même territoire (comme cela arrive dans les jardins publics). Il défendra donc avec davantage d’acharnement les lieux marqués uniquement par lui, comme son propre jardin. En flairant les coins et les arbres, le chien lit le « bulletin du club » pour savoir combien et qui sont les autres mâles partageant ce territoire avec lui : même si aucun congénère n’est en vue, il sait parfaitement qu’il s’agit d’une zone en « copropriété ».

Un chien peut lire une énorme quantité d’informations dans une trace d’urine : en plus de déterminer exactement de quand elle date, il réussit à en déduire le sexe, l’âge, voire la condition physique de son auteur. Il peut par conséquent déjà envisager de partager pacifiquement la zone ou prévoir d’en chasser (dès qu’il le rencontrera) un sujet qu’il assimile (pour un motif quelconque « inscrit » dans le l’urine) à un rival.

Conséquences pratiques : une bagarre entre mâles a très souvent une origine territoriale, même dans des endroits que le maître considère comme neutres (mais pas le chien, s’il les a marqués plusieurs fois). Une bagarre entre femelles n’éclate presque jamais pour des raisons territoriales.

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