Les insectes seraient-ils en passe de devenir la nourriture du futur de nos compagnons à quatre pattes ? Autorisés dans la composition de l’alimentation animale (sauf ruminants), les insectes s’invitent depuis peu dans les gamelles des chiens et chats et auraient des qualités nutritionnelles équivalentes à celles de la viande ou du poisson. C’est en tout cas le discours de plusieurs entreprises françaises qui se sont lancées sur ce marché prometteur. Contactée par Wamiz, la start-up Ynsect, spécialisée dans la production d’insectes, est revenue sur les caractéristiques de cette alimentation.
Une alimentation saine et équilibrée ?
« Les insectes représentent une solution de choix pour la nutrition animale. Ils sont naturellement présents dans le régime alimentaire des animaux, même domestiques et permettent d’importants bénéfices nutritionnels grâce à une bonne teneur en protéines et acides gras polyinsaturés (les omégas 3 et 6, NDLR) », a expliqué Anaïs Maury, directrice de la communication et des affaires publiques. Implantée à Dole dans le Jura, la start-up utilise la larve du Tenebrio molitor aussi appelé ver de farine. Composé à 70% de protéines après élimination de l’eau et d’autres fractions, il serait « digeste » et source « d’appétence ».
Mais cet insecte n’est pas le seul à titiller les papilles gustatives de nos chiens et chats. A l’origine de la marque Tomojo créée en 2017, Madeleine Morley et Paola Teulières ont, quant à elles, misé sur la larve d’Hermetia llucens, autrement connue sous le nom de mouche soldat noire. Élevés en Hollande dans des fermes certifiées et verticales, ces insectes sont également réputés pour leur teneur en protéines, des éléments essentiels au bon fonctionnement de l’organisme. « Le poulet et le poisson sont également intéressants mais lorsqu’il s’agit de sous-produits (et non de viande de muscle, NDLR), la valeur nutritive est variable selon la qualité », a expliqué à Wamiz Madeleine Morley.
Formulée par un vétérinaire et fabriquée dans le Sud-Ouest de la France ainsi qu’en Mayenne, sa recette remplace donc la viande par une farine d’insectes. Tous les ingrédients sont traçables et 85% d’entre eux sont d’origine française. Élaborée sans céréale, elle se veut « hautement digestible » et garantit l’absence d’antibiotiques (déjà interdits pour favoriser la croissance des animaux d’élevage toute filière confondue) et l’absence d’hormones de croissance conformément à la réglementation européenne. Mais comme l’a expliqué Géraldine Blanchard, Docteur vétérinaire et Spécialiste en nutrition clinique vétérinaire, la nature des protéines animales utilisées n’est pas un critère déterminant pour une croquette de qualité. L’aliment protéique ne représente qu’une portion du produit fini, l’important sur le plan qualitatif serait la proportion de protéines animales choisie.
« Quand on fabrique une croquette, il faut associer un certain nombre d’ingrédients pour pouvoir couvrir la totalité des besoins nutritionnels de l’animal » d’où l’importance pour les consommateurs de faire attention aux étiquettes nutritionnelles des produits alimentaires. A titre d’exemple, bien qu’ils apportent des fibres, des graisses végétales et une petite part de protéines, certains ingrédients riches en amidon (céréales, légumineuses et tubercules) sont parfois mal tolérés par les carnivores domestiques. Malgré tout, ils restent essentiels à la fabrication des croquettes.
Face à la complexité relative des analyses nutritionnelles, certains ont pris la décision de préparer eux-mêmes des plats équilibrés à leur compagnon. Pour rappel, tout changement dans le régime alimentaire de l’animal doit se faire progressivement afin de permettre à la flore intestinale de s’adapter. « Pour le chien, comptez une semaine. Pour le chat, c’est un peu plus long car il a tendance à ne pas vouloir facilement consommer des aliments nouveaux », a-t-elle expliqué.
Un geste pour l’environnement ?
Au-delà de l’intérêt nutritionnel des insectes, leur production serait nettement moins gourmande en ressources naturelles qu’un élevage de viande classique. Selon les derniers chiffres de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), les filières de l'élevage émettent autour de huit gigatonnes d'équivalent CO2 chaque année. Un chiffre élevé à considérer pour l’ensemble du secteur puisqu’il n’est pas directement lié à la production de croquettes. Rappelons que les animaux ne sont pas abattus pour fabriquer de la nourriture pour chiens et chats. Dans la majorité des cas, seuls les sous-produits de viande sont utilisés.
Sur ce point, Madeleine Morley a fait part de son opinion. Pour elle, la production de croquettes classique contribue à entretenir une industrie déjà très polluante. « En France, il n’y a pas assez de sous-produits pour nourrir tous nos animaux, il faut donc en importer. Aussi, il y a de plus en plus de marques prémium qui n’utilisent plus de sous-produits mais de la viande que les humains pourraient consommer. Tout cela a un fort impact environnemental ».
Pour les deux entrepreneuses, l’objectif est de « formuler une croquette saine avec un impact limité sur l’environnement ». Et pour compléter cette démarche « eco-friendly », le choix de l’emballage a également été pris en compte. « Cela nous tenait à cœur de ne pas mettre notre croquette écologique dans du plastique. Du coup, on utilise des packagings biodégradables. A l’intérieur, nous avons mis un film en amidon de maïs ».
De son côté, la start-up Ynsect a également mis un point d’honneur à avoir un faible impact environnemental. En plus d’élever leurs insectes dans des fermes verticales (permettant d’économiser de l’espace), l’entreprise les nourrit avec des sous-produits agricoles. Autrement dit, des produits non utilisés en agriculture mais revalorisés grâce aux insectes. En parallèle, elle récupère les déjections pour en faire de l’engrais naturel, un fertilisant ayant déjà démontré son efficacité sur les plantes et cultures maraîchères selon une étude citée par l’entreprise. Leur but : viser « des consommateurs avertis désireux de donner à leurs animaux une alimentation équilibrée de qualité tout en agissant pour l’environnement ».
Déjà en vente dans de nombreux pays, les produits à base d’insectes ne se limitent pas aux croquettes sur les étals des rayons petfood. Certaines marques, dont Entoma, ont aussi agrandi leur gamme en élaborant des friandises. Côté prix, il faut compter autour de quatre euros le paquet de douceurs et une quinzaine d’euros pour deux kilos de croquettes.
Une alternative jugée intéressante y compris pour l’alimentation humaine à l’heure où les tendances à l’horizon 2050 prévoient une augmentation constante de la population et par conséquent, de l’élevage mondial et de ses effets délétères sur l’environnement.
Amandine Zirah