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Péritas, le chien qui a sauvé la vie d'Alexandre le Grand

La rédaction

Publié le

1er octobre 331 av. J.-C. Le choc décisif entre l’armée d’Alexandre le Grand et celle du roi Perse Darius III se prépare. La bataille de Gaugamèles, l’une des plus impressionnantes de toute l’histoire antique, est sur le point de débuter. Mais cette fameuse bataille qui a vu le royaume de Macédoine défaire pour de bon l’empire Achéménide aurait pu avoir une issue toute autre.

Fort d’une armée six fois plus conséquente que celle des Macédoniens, le roi Darius III réussit d’abord à mettre Alexandre en difficulté. Ce jour-là, le plus grand conquérant de l’histoire a bien failli perdre la vie et ne devrait sa survie qu’à son chien préféré : Péritas.

Plutarque, écrivain et biographe d’Alexandre, relate dans Les Vies des hommes illustres l’héroïsme du chien favori du roi de Macédoine. Alors qu’Alexandre est acculé par les attaques des Perses, il est pris pour cible d’un assaut d’un éléphant de combat qui le charge à toute vitesse. Le courageux Péritas émerge alors du champ de bataille et se jète sur l’imposant pachyderme, le mordant à la lèvre et détournant ainsi l’attaque. La vie d’Alexandre est sauve mais Péritas est mortellement blessé.

Son sacrifice permet au jeune conquérant de remporter la bataille et de poursuivre ses illustres conquêtes. En hommage, Alexandre aurait érigé une ville sur les bords du fleuve Hydaspe, en Inde, au nom de son défunt compagnon, sans lequel la civilisation telle qu’on la connaît aurait pu être bien différente.

Alexandre le Grand contre les Perses à Issus. Crédits : Wikimedia Commons
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Péritas le vaillant

Selon l’écrivain antique Pline, dans ses Histoires naturelles, c’est l’oncle d’Alexandre, Alexandre le Molosse roi d’Épire, qui lui aurait fait cadeau de Péritas pour ses 11 ans. Le canidé plaît tout de suite au jeune Alexandre de par sa constitution et son physique déjà impressionnants, caractéristique des molosses. Les molosses étaient en effet particulièrement appréciés durant l’Antiquité, notamment pour la guerre, la garde et les combats en arène. Le poète Virgile lui-même vante leurs mérites dans ses Géorgiques : « Jamais, avec [les molosses] sur leurs gardes, vous ne devrez craindre pour vos étals un voleur de minuit, ou une attaque de loups, ou des brigands ibériques dans votre dos. »

Le terme molosse est directement dérivé du peuple molosse d’Épire, une des principales ethnies peuplant la Grèce antique, qui avait démocratisé l’usage de ces chiens de combat. Aujourd’hui disparue, la race des molosses, dont descendent les mastiffs contemporains, a pourtant profondément marquée l’imaginaire collectif, et sa trace se retrouve dans la langue, le terme molosse évoquant encore aujourd'hui la force brute et effrayante qu’il inspirait il y a plus de 2000 ans.

Ravi du cadeau de son oncle, Alexandre s’attelle alors à l’éducation et à l'entraînement de son nouveau compagnon. Toujours selon Pline, ce n’était pas le premier chien offert par le roi d’Épire à Alexandre. Il lui en avait déjà envoyé un par le passé, mais trop chétif au goût du futur conquérant, il l’avait finalement fait abattre. En lui confiant Péritas, son oncle lui avait cette fois assuré son efficacité et lui avait donc conseillé « d’éprouver ce chien, non pas contre de petits animaux, mais contre le lion ou l’éléphant ».

Alexandre aurait donc organisé une confrontation avec un lion, et en est ressorti stupéfait : « Il vit aussitôt le lion mis en pièces ; puis il fit amener un éléphant, et jamais spectacle ne lui causa autant de plaisir. En effet, le poil hérissé sur tout le corps, le chien commença par aboyer d’une manière terrible, puis il vint à l’attaque : se dressant contre le monstre tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, l’assaillant et l’évitant avec l’adresse nécessaire en un pareil combat, il le fit tant tourner que l’éléphant tomba, et sa chute ébranla la terre ». Alexandre est alors convaincu que le molosse lui donnera satisfaction. Il en fait son fidèle compagnon, destiné à l’accompagner dans les batailles les plus terribles et à risquer sa vie à de multiples reprises aux côtés de son maître.

Bas relief représentant un molosse pendant l’antiquité. Crédits : DR

Au même titre que son fidèle destrier, Bucéphale, qu’Alexandre chevauchait sur le champ de bataille et qui n’acceptait que l’illustre conquérant comme seul cavalier, Péritas fait preuve d’une loyauté sans faille envers son maître, qu’il n’hésite pas à défendre au péril de sa vie. Ainsi, lors de l’attaque des Maliens sur les troupes macédoniennes en Inde, alors qu’Alexandre était coupé de son armée par les soldats ennemis et blessé d’un coup de javelot dans le défaut de son armure, Léonnatos, un officier macédonien, envoie Péritas rejoindre Alexandre.

Se faufilant dans le capharnaüm de la bataille, Péritas parvient à atteindre son maître et repousse ses agresseurs, offrant un temps précieux aux troupes d’Alexandre pour secourir leur roi. Ses exploits répétés ont poussé Alexandre à ordonner la construction d’une ville en sa mémoire plusieurs années après sa mort dans un de ses territoires conquis, probablement l’actuelle Ucch au Pakistan.

« La tente de Darius », de Charles lebrun représentant Alexandre après sa victoire à Gaugamèles.

Le collier de Sorter

La domestication des chiens aurait débutée il y a 15 000 ans selon certains archéologues, indiquant que la collaboration humain-chien serait plus ancienne encore que le domptage et l’élevage des chevaux, des squelettes de chiens ayant été retrouvés dans des tombes humaines datées de plus de 10 000 ans av. J.-C. Servant d’abord de sentinelles nocturnes aux tribus préhistoriques pour garder leur camp, ils sont également utilisés pour la chasse et permettent à l’espèce humaine de se développer plus encore en facilitant l’obtention de nourriture. Ils servent ensuite aux bergers pour protéger leurs troupeaux et aux commerçants pour garder leurs étals.

Le chien aurait aussi eu plus tard, vers le IVe siècle av. J.-C un rôle plus atypique selon Énée le tacticien, écrivain et militaire grec de l’époque. Il écrit ainsi dans son Traité de la défense des places qu’il était commun à Épire d’utiliser les chiens comme messagers secrets, en glissant une lettre dans son collier et en l’envoyant au destinataire souhaité.

Gravure égyptienne qui dépeint la domestication des chiens. Crédits : DR

Il n’aura bien sûr pas fallu attendre très longtemps pour que l’homme décide d’exploiter les canidés dans le domaine militaire, mettant à profit leurs caractéristiques physiques avantageuses pour satisfaire ses besoins belliqueux. Les premières preuves de chiens guerriers utilisés par l’armée remontent ainsi à 4000 av. J.-C. Selon le chercheur John M. Kistler, on peut voir certaines tablettes égyptiennes de l’époque représentant des chiens tenus en laisse par des soldats attaquants leurs ennemis. Sur une autre tablette datée d'environ 3000 av. J.-C. retrouvée à Ur, en Mésopotamie, on reconnaît un chien de type molosse gardant le trône royal.

C’est à cette époque que le molosse devient le chien de guerre par excellence et que sa présence se démocratise, par le commerce et l'élevage. Plus tard, durant la guerre du Péloponnèse, en 431 av. J.-C., les chiens ont joué un rôle primordial dans la défense de la ville de Corinthe. Cinquante chiens avaient été postés sur la rive jouxtant la cité pour la garder. Alors que les gardes s’étaient endormis après une grosse beuverie, la ville s’est retrouvée assaillie dans la nuit. Les 50 chiens ont alors défendu becs et ongles leur position mais on tous été exterminés, sauf un. Le seul survivant, appelé Sorter, s’est alors précipité dans la cité pour aboyer sur les gardes endormis afin de les réveiller. Après l’assaut, Corinthe ayant tenu, le collier de Sorter a été gravé de l’inscription : « Sorter, défenseur et sauveur de Corinthe. »

Mais le chien de l’Antiquité revêtait aussi une importance symbolique et mythologique. Il est notamment considéré dans de nombreuses cultures comme un animal psychopompe, c’est-à-dire qui guide les âmes vers la mort. Dans la mythologie grecque, le terrible cerbère, chien à trois têtes, garde la porte des enfers sur les rives du Styx, et empêche les âmes damnées de s’en échapper. En Égypte, le dieu Anubis, gardien des morts, est représenté la plupart du temps avec une tête de canidé.

Mosaïque montrant l’usage de chiens de guerre. Crédits : Hartford University

À la mort du Pharaon, il était d’usage de momifier un chien avec la dépouille du souverain pour l’accompagner dans l’autre vie. Sous le nouvel empire égyptien, de 1570 à 1070 av. J.-C., maltraiter ou tuer un chien était même passible de justice. Ils étaient d’ailleurs désignés par le terme « Tesem », qui signifie rempart ou bastion.

De Péritas aujourd’hui, il ne reste pas grand chose. Les historiens ne sont pas sûrs de la localisation de la ville qu’Alexandre lui avait dédié et le monument en son honneur n’a pas été retrouvé. Mais ses hauts faits fascinent toujours près de 2500 ans plus tard. Bien sûr, étant donné le nombre limité de sources sur le sujet, il est probable que les exploits de Péritas aient été embellis par la fougue des soldats et la plume des écrivains, mais il reste certain qu’un chien nommé Péritas a véritablement touché Alexandre le Grand et l’a inspiré et aidé à atteindre les sommets, jusqu’à devenir le plus grand conquérant de l’histoire.

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