Pourquoi le chat noir a-t-il presque toujours quelques poils blancs sous le cou ? L’Histoire donne la clé de ce mystère, confirmée par la génétique.
Au Moyen Âge, en Europe et particulièrement en France très chrétienne, les chats noirs ont mauvaise réputation : sorciers compagnons des sorcières qu’ils accompagnent la nuit au Sabbat, ou diables incarnés en personne, ils sont condamnés par l’Église et les propriétaires, excommuniés. L’Inquisition (créée en 1233 par le pape Grégoire IX) se montre impitoyable et le peuple qui peine à survivre n’a pas notre sensibilité contemporaine.
Les procès d’animaux sont dans les mœurs du temps, mais le cas du chat est particulier. Il n’est pas jugé pour tel ou tel méfait, supposé ou réel. Symbolisant le Diable, il est fatalement criminel…Et haro sur le chat ! Tous les chats noirs sont visés. C’est quasiment un délit de sale gueule. Brûlée dans les bûchers, crucifiée aux portes des maisons, noyée par sacs entiers, la race a quasiment disparu.
Par miracle, quelques poils blancs sous le cou pouvaient sauver la bête : « marque de l’ange » ou « doigt de Dieu ». Une superstition valait même protection : arracher un poil blanc portait bonheur !
Voilà pourquoi la plupart de nos chats noirs ne sont pas tout noirs : descendants en même temps que rescapés de ce génocide, ils portent un discret médaillon blanc, souvenir d’une vieille et tragique histoire.
La revanche du chat noir
Le chat noir prend sa revanche au XIXe siècle : son air diabolique fascine les auteurs, artistes peintres et graphistes. Cette singularité naturelle qui fit son malheur devient un atout aux yeux des romantiques. Hanté par le Chat noir, l’américain Edgar Poe en fait le héros de sa plus célèbre nouvelle, traduite en 1843 par Baudelaire - on n’imagine pas notre sombre poète épris d’un Angora blanc ou d’un Persan gris. Cependant que le Chat noir (dessiné par Steinlen) s’affiche à Montmartre, le soir...
Dans les années 1960, le marché du chat crée une nouvelle race qui annonce la couleur - noire de noir. Le Bombay, né aux USA d’un croisement réussi entre deux races, demeure peu connu en France et pas aussi populaire que les autres, Abyssin, Angora, Chartreux, Persan, Siamois...
Et dans les refuges, le chat noir (naturellement de gouttière) sera le dernier adopté, le premier euthanasié - comme si un solide préjugé courait encore.