Une décision judiciaire indigne a choqué le monde de la protection animale en Belgique : deux chiens ont été rendus à une femme poursuivie pour maltraitance animale et trafic illégal, alors même qu’une instruction judiciaire est toujours en cours.
Cette éleveuse, tristement connue pour ses activités d’importation et de revente de chiots venus d’Europe de l’Est, a récupéré Igor et Marika, deux chiens saisis en urgence en novembre dernier et confiés à la SPA de La Louvière. Les défenseurs des animaux dénoncent une décision injustifiable, lourde de conséquences pour les animaux concernés.
Une "éleveuse" déjà connue pour des faits graves
Ce mardi 3 juin 2025, à 14h30, Igor et Marika ont quitté le refuge de la SPA de La Louvière, non pas pour être adoptés, mais pour être restitués à leur ancienne propriétaire. Cette dernière, pourtant bien connue des services de protection animale pour exploitation, maltraitance et trafic, a récupéré les deux chiens dans un contexte judiciaire encore largement ouvert. Alertant plusieurs médias, Gaëtan Sgualdino, directeur du refuge, a partagé son désarroi : « Igor et Marika ont été accueillis, soignés et aimés par nos équipes pendant plus de six mois. Cette décision revient à les replonger dans un environnement dont ils avaient été extraits pour des raisons graves et documentées. »
La femme en question, domiciliée dans les environs de la ville de Mons, en Wallonie, était depuis plusieurs années dans le viseur des autorités pour importation illégale de chiots, principalement des Spitz en provenance de Biélorussie et de Russie, qui étaient revendus jusqu’à 2 500 euros chacun, dans des conditions souvent dramatiques. Des centaines de chiens sont passés entre ses mains, et nombreux d’entre eux sont morts peu après leur arrivée chez leurs nouveaux maîtres, victimes de maladies, de la négligence subie auparavant ou de conditions transport inadaptées. Plusieurs familles ont partagé leurs expériences et estiment avoir été arnaquées.
Ces témoignages avaient d'ailleurs soulevé l’indignation bien avant la saisie de novembre : « Ces faits s’ajoutent à une longue liste d’abus, confirmée par les autorités et de nombreux acheteurs lésés. Et pourtant, elle continue de faire la publicité de son “élevage” sur internet comme si de rien n’était. », a précisé Gaëtan Sgualdino.
Des preuves de maltraitance indiscutables
Lors de l’intervention judiciaire menée en novembre 2024, tous les chiens présents sur place avaient été saisis sur décision de la juge d’instruction. Le constat de maltraitance ne faisait aucun doute, et certains chiens portaient sur eux les terribles preuves des sévices subis : Vodka, par exemple, une chienne victime d’une fracture ouverte, qui avait eu pour seul "soin" du ruban adhésif enroulé autour de la patte, sans la moindre consultation vétérinaire. Un acte de négligence extrême qui aurait pu entraîner une amputation, évitée de justesse grâce à une prise en charge spécialisée après le retrait des animaux.
Parmi eux, il y avait aussi Igor et Marika, les deux Spitz restitués qui ont suscité la révolte chez nos amis les Belges. Marika, âgée de 4 ans, a passé plus de six mois au refuge après avoir été saisie. Non stérilisée pendant ce temps, car toujours sous le coup de la réquisition judiciaire, elle risque d’être à nouveau exploitée pour la reproduction. Igor, le mâle, souffrait d’une alopécie sévère lorsqu'il avait été pris en charge, traduisant une grande négligence de la part de cette "éleveuse", qui aurait d'ailleurs banalisé l'état de l'animal à l'époque, en le décrivant comme "normal". Pour ces deux chiens, cette restitution est un retour en arrière incompréhensible après des mois de soins et d’affection.
Pourtant, tout semblait enfin possible pour ces deux chiens rescapés, jusqu’à ce que la chambre des mises en accusation ordonne leur restitution à leur ancienne propriétaire. Une décision rendue alors même que l’enquête judiciaire est toujours en cours, et qu’une inculpation est attendue. Elle va à l’encontre de la volonté initiale de la juge d’instruction, qui avait jugé nécessaire la saisie de tous les animaux. Impuissant face à cette machine judiciaire, le directeur de la SPA de La Louvière n'a pas hésité à pointer du doigt : « Comment un juge peut-il rendre un couple de chiens non stérilisés à une trafiquante alors que le dossier est toujours ouvert ? »
Les refuges obligés d’acheter les chiens saisis
L’affaire ne s’arrête malheureusement pas à cette double restitution. Les 14 autres chiens saisis lors de l’intervention judiciaire n’ont pas été confiés aux refuges, ni placés pour adoption, mais mis en vente par l’Organe Central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC), à 350 euros l’animal. Pour éviter qu’ils ne soient rendus à leur ancienne propriétaire ou revendus à d’autres particuliers sans vérification, la SPA de La Louvière, avec le soutien du refuge de l’Arche de Noé à Mons, a été contrainte de les racheter un par un : « Ces chiens ont été considérés comme de simples objets. Cette logique marchande, appliquée à des êtres vivants, est moralement inacceptable. C’est la première fois que nous devons acheter des chiens que nous avons recueillis à la suite d’une saisie judiciaire. C’est inédit et absurde. », a dénoncé Gaëtan Sgualdino.
Pour les deux refuges, le combat ne s'arrête pas là, malgré ce coup dur. Les deux refuges se sont constitués parties civiles, et un avocat a été engagé dans l’espoir que cette femme soit définitivement empêchée de détenir ou d’exploiter des animaux. Comme l'explique La SPA de La Louvière sur les réseaux sociaux, Igor et Marika ne sont pas une "affaire classée". Aujourd'hui, le refuge a lancé un appel à l'aide à tous les amis des animaux, afin d'interpeller les responsables politiques, notamment la ministre de la Justice Annelies Verlinden et le ministre wallon du Bien-Être animal Adrien Dolimont, pour exiger une réforme profonde et urgente.
« Nous continuerons à dénoncer. À protéger. Et à réclamer un cadre légal qui fasse passer le bien-être animal avant les intérêts des maltraitants », conclut la SPA dans un message adressé à ses soutiens. Mardi 3 juin, l'équipe de La Louvière a vécu un terrible traumatisme en rendant les deux Spitz à leur maltraitante : déterminés à transformer cette douleur en force, les membres du refuge sont prêts à mener un nouveau combat pour Igor et Marika.