Pascal est mort à 48 ans.
Je l'ai connu dans un des parcs où je promène mes chiens.
Les premières années, je ne lui parlais pas. Une étrange silhouette bancale, des écouteurs pour sa musique, accompagné d'un cocker toujours impeccablement toiletté, parfois on l'apercevait assis par terre dans un coin discret pour jouer avec son chien. Il fuyait les gens. J'ai vu un groupe d'ados se moquer et insulter, lorsque j'ai voulu intervenir il m'a dit de laisser tomber, qu'il avait l'habitude …
J'ai fait sa connaissance lorsque j'ai eu Hiami, car mon australien a de suite eu une véritable adoration pour ce monsieur. J'ai découvert peu à peu que d'autres chiens du parc l'adoraient.
(mais il évitait tous les chiens et les maîtres non agréés par le cocker ). Et que les maîtres des dits chiens l'appréciaient beaucoup : il s'intéressait à des tas de choses, sa conversation était plus intéressante que la moyenne .
Pascal était resté handicapé depuis l'âge de 8 ou 9 ans, une voiture avait percuté le vélo du petit garçon. Son corps avait poussé de travers, il avait mal tous les jours. Pascal était resté orphelin très jeune. Adulte, les seuls stages qu'on lui proposait étaient pour travailler dans le bâtiment, il ne tenait que quelques heures.
Pascal était un homme en colère contre les services sociaux qui accueillaient mal ses demandes d'aides.
C'était quelqu'un de très, très seul - jusqu'à ce qu'il récupère un jour un jeune cocker maltraité.
C'était certainement le chien le plus promené de la ville, et le plus gâté, Pascal partageait tout avec son chien.
En bon natif du signe de la vierge, Pascal aimait bien prévoir, planifier. Il m'avait fait part un jour de sa décision d'en finir avec la vie le 18 octobre 2016, anniversaire des 20 ans de sa première demande de logement décent car il était dans un taudis insalubre. Il avait combiné un truc compliqué avec du gaz, je l'ai engueulé car le dispositif pouvait blesser ses voisins.
Depuis que je passe presque tout mon temps dans le finistère je ne l'avais pas revu.
En octobre 2016 j'ai demandé de ses nouvelles bien sûr. J'appris qu'il était à l'hôpital car on lui avait trouvé un cancer du poumon. Une voisine avait pris le chien en charge.
Un an plus tard quelqu'un me dit qu'il va bien, qu'il est rentré à la maison, que tout se passe bien.
Deux ans plus tard (mardi dernier) quelqu'un me demande si je sais ce qui lui est arrivé...
Ça s'est passé le 6 mai dernier, un dimanche matin : Pascal a pris son vieux chien pour un rendez vous avec la mort. il a attendu le TER au passage à niveau.