Du manque affectif à la maltraitance psychologique

Humeur-De-Chien
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Généralement, quand on parle de maltraitance à l'endroit des chiens, on fait souvent référence à des moyens coercitifs et/ou aversifs physiques. Le prendre par la peau du cou, le frapper, le contraindre à se coucher sur le dos ou encore l'usage de collier étrangleur ou électrique en sont quelques exemples.

Il existe pourtant une autre forme de maltraitance, beaucoup moins abordée et d'ordre psychologique. Les effets en sont moins visibles et de ce fait, moins spectaculaires. Pour autant, les conséquences sur le développement du chien et sur son homéostasie peuvent être dramatiques.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est important de se poser une question : pourquoi choisissons-nous d'avoir un chien ?

La réponse est assez simple finalement. Dans la très grande majorité des cas, nous prenons un chien par manque affectif. Nous attendons du chien qu'il nous procure du plaisir, de la complicité, de la tendresse, des émotions, une absence de jugement, de la fidélité, du réconfort... autant de choses qui sont du registre de l'affect. Jusque là, ça n'est ni bien ni mal, c'est juste un fait.

Là où ça peut devenir problématique, c'est quand ce manque affectif se traduit par des considérations anthropomorphiques (mon chien est comme mon enfant), par la sur-protection et par l'entretien voire l'encouragement d'une sur-dépendance affective.

On aime que nos chiens nous soient attachés, qu'ils soient dépendants de nous et qu'ils ne voient que par nous.

Là où c'est encore plus flagrant, c'est quand j'explique aux futurs propriétaires de chien qu'il faudra respecter le développement naturel du chiot en lui apprenant le détachement. Pour bon nombre de personnes, il est impensable de prendre un chien pour lui apprendre à être détaché d'eux. C'est exactement l'inverse qu'ils attendent d'un chien.

Ce qu'ils ignorent (délibérément pour certains) c'est que ce détachement participe à construire la psychologie du chiot pour qu'il devienne un adulte équilibré.

Ne pas respecter cet apprentissage naturel du détachement a plusieurs conséquences psychologiques et comportementales.

Cela participe à infantiliser le chien. En ne permettant pas à son chien d'acquérir une certaine indépendance voire même à le maintenir dans une sur-dépendance affective, on maintient le chien à l'état psychologique de chiot. De ce fait, le chien est beaucoup plus facilement en proie à l'anxiété, le stress, la peur, les troubles hyper (attachement, sensibilité, excitation, activité), l'agressivité, et j'en passe. Le chien continue de réagir comme un chiot parce qu'on ne lui a pas permis de faire autrement.

Autrement dit, en sur-protégeant nos chiens et en maintenant une forte dépendance affective, on les fragilise psychologiquement... on les maltraite même.

" Comportementaliste canin "
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Humeur-De-Chien
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Et cela est encore plus vrai pour les chiens de petites races qui souffrent (bien malgré eux) d'avoir en plus l'apparence d'un chiot, même arrivés à l'âge adulte. Le processus d'infantilisation, même si inconscient, en est facilité.

Ce type de rapport entre l'humain et le chien est une forme d'amensalisme.

C'est à dire que 2 espèces différentes cohabitent mais que l'une a un effet négatif sur le bien-être, le comportement ou encore le développement de l'autre.

On veut tellement que le chien corresponde à l'idée qu'on se fait de lui que dans bien des cas on ne lui permet pas d'être ce qu'il est vraiment. Là encore on le maltraite ; on le trahit même. On trahit sa nature de chien et ses réels besoins parce qu'on se soucie davantage de ce qu'il doit nous apporter pour combler notre manque affectif plutôt que de ce qu'il faut faire pour lui pour qu'il se sente bien et qu'il soit équilibré.

Apprendre le détachement à un chien ce n'est pas éviter de l'aimer, l'ignorer ou de ne rien lui permettre. Le chien reste un animal social et dépendant. Il a donc besoin de l'autre.

Le détachement c'est l'apprentissage de la mesure en évitant les excès.

Il y a une marge entre :

- faire dormir un chien auprès de soi / le faire dormir à l'autre bout du jardin attaché à un poteau

- permettre à un chien de nous suivre partout / ne jamais lui permettre de nous suivre

- lui prodiguer de l'attention et des caresses en permanence / l'ignorer la plupart du temps

Ces quelques exemples de relations extrêmes sont autant nuisibles dans un sens que dans l'autre. D'un côté on favorise la dépendance affective, de l'autre côté, on casse le lien d'attachement. Le mot « équilibré » prend alors tout son sens dans ce à quoi doit conduire le détachement.

L'amour que l'on porte à un chien peut-il aller jusqu'à la maltraitance ?

De manière inconsciente et dans bien des cas, oui. On peut aimer le plus sincèrement du monde un chien sans se rendre forcément compte que cet amour conduit à l'amensalisme ; à ce qui est nuisible pour un individu dans une relation interspécifique.

Certains propriétaires prennent peur dès que leur chien en croise un autre. Un des réflexes de ces personnes est alors de prendre le chien dans les bras et de s'éloigner. C'est un exemple de sur-protection qui est nuisible au chien. On pense bien faire et on fait mal car on empêche le chien de pouvoir naturellement interagir avec ses congénères ; ce qui l'empêche par la même occasion d'apprendre à gérer ces situations. On aime son chien, on ne veut pas qu'il lui arrive quoi que ce soit de malheureux, c'est parfaitement naturel. Ce faisant, on l'étouffe et on le fragilise aussi.

" Comportementaliste canin "
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Humeur-De-Chien
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D'autres sont incapables de refuser quoi que ce soit à leur chien. Là encore, ils pensent sûrement bien faire et que cette attitude apportera du bien-être au chien. C'est exactement l'inverse en fait.

Un chien qui n'est jamais contrarié dans ses tentatives d'appropriation de ressources affectives, alimentaires ou de confort aura tendance à très mal gérer la solitude, à s'engraisser et à devenir agressif dès qu'il sera obligé de partager ou d'abandonner sa ressource. Ce n'est bien évidemment pas une obligation, c'est « juste » une probabilité beaucoup plus importante.

Rien de tout cela ne peut participer à son bien-être.

Quand on me rapporte des soi-disant problèmes comportementaux chez le chien (aboiements fréquents, malpropreté, destruction, agressivité, …), dans la très grande majorité des cas le chien ne souffre d'aucun réel problème comportemental. Il ne fait que réagir en chien pour exprimer un mal-être. L'approche systémique permet alors de comprendre à quel point les composantes relationnelles et environnementales peuvent influer sur le comportement du chien. Le « malade » n'est pas forcément le chien mais plutôt la relation entre l'homme et le chien.

Le dressage – d'autres préféreront éducation – n'est d'aucun secours dans ce genre de cas. Pas plus que de concevoir ses rapports avec le chien sous l'unique prisme des conditionnements opérants (renforcement, punition, positif, négatif). Et je ne parle même pas des moyens coercitifs comme les colliers étrangleurs, électriques et anti-aboiement qui ne règlent aucun problème en ne faisant qu'agir sur la conséquence et sur le chien. En ayant recours à ce genre de procédés, le propriétaire du chien ne reconnaît aucune responsabilité personnelle et n'opère aucune remise en question. Le chien paye donc le prix fort des manquements de son être d'attachement.

Il existe bien des moyens de maltraiter physiquement et psychologiquement le chien.

Autant il m'est agréable de constater qu'une majorité de personnes est révulsée à l'idée de maltraiter physiquement le chien, autant il m'est très désagréable de voir que si peu se préoccupent de savoir ou d'admettre qu'ils peuvent maltraiter psychologiquement le même chien.

Si j'étais cynique, je dirais que c'est tant mieux, ça me fait du boulot. Il se trouve juste que je préférerais être consulté pour prévenir plutôt que pour guérir.

C'est aussi le but de cet article...

" Comportementaliste canin "
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Solenneb
Solenneb

Très belle article! Je le ferai lire a bon nombre de personne... Merci!

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Waouh merci beaucoup en tous cas , je le ferais lire de même à des personnes fessant l'acquisitions d'un chiot

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Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

Merci à vous 2. :)

En espérant que cela ait pu être instructif et que ça le sera aussi pour les personnes à qui vous le ferez lire.

" Comportementaliste canin "
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Utilisateur anonyme
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Merci pour cette article Humeur-De-Chien..Vous me réconciliez "un peu" avec les comportementalistes..Parce que dans votre branche comme chez les éducateurs,qu'est ce qu'il y a comme glandu !J'ai connu l'histoire d'un Rottweiler vu par 5 comportementalistes qui l'on classé en 4 alors qu'il souffrait d'un manque d'exercice...(sa proprio ne le sortait plus du tout)qui le rendait anxieux-nerveux-agressif !!Pour la plus grande chance de ce chien(sinon il ne serait plus de ce monde )un éducateur dont sa spécialité est les chiens dit dangereux à pût le sortir de ce mauvais pas...pfff

Je suis grandement allergique aux comportementalistes...mais faut pas tout jeter,vous conseillez bien quelques fois...mais je n'irais JAMAIS quelqu'un de cette souche là pour mes chiens.Perso le problème que j'ai avec vous,vous discutez mais vous ne montrez pas l'exemple:un chien montre les dents...ouhhh il est dangereux...allez on le classe 3 voir 4 si le chien fait 1 pas dans vote direction !j'exagère un peu mais pas beaucoup....un éducateur expérimenté va aller près du chien,montrer les bons gestes,ect..chose que vous ne faites pas...bien beau de parler mais à un moment il faut les actes qui accompagne les paroles.

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Utilisateur anonyme
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Malinous, tu generalise. Cest comme si je disais que tout les arabes sont des ******* juste par ce que un jours jai eu un grave problème avec un *******.

Il y a de tout partout. Le plus dure est de trouver un bon ;-)

Si non cest un chouette article. On ne prend pas assez nos chiens pour des animaux, cest bien vrais.

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Humeur-De-Chien
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Bonjour Malinous,

Le problème du métier de comportementaliste est que ce n'est pas une profession réglementée.

C'est comme chez les psys. Psychologue et psychiatre sont des professions réglementées, ce n'est pas le cas du psychanalyste.

À partir de là, on peut effectivement trouver un certain nombre de personnes qui s'improvisent comportementaliste puisque l'accès à ce métier n'est soumis à aucune disposition réglementaire, administrative ou législative. Une formation n'est même pas obligatoire.

Malgré cela, on peut trouver de très bons comportementalistes. Des gens qui prennent à cœur et avec sérieux leur métier et se formant en continu sur l'éthologie, la psychologie et plus généralement sur tous les domaines pouvant les aider dans l'exercice de sa profession.

Je regrette que vous ayez cette image des comportementalistes mais je ne peux pas vous en blâmer.

Un certain nombre de mes confrères et moi-même tentons d'encadrer au maximum ce métier afin de fournir aux propriétaires de chien une information précise sur la manière dont nous travaillons. C'est la raison d'être de la Fédération Européenne des Comportementalistes et du code de déontologie de notre profession.

De l'autre côté, vous avez tout un tas de gens qui revendiquent le titre de comportementaliste sans en respecter les principes fondateurs. Ça ne veut pas dire pour autant qu'ils soient mauvais ; ça veut juste dire qu'ils ne sont pas comportementalistes selon les critères qui ont permis la création de ce métier.

Alors oui, au regard de tout ça, on peut trouver de tout et de n'importe quoi dans cette profession.

Mais je suis heureux de savoir que je vous ai "un peu" réconcilié avec ce métier. ;)

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Merci Arod. :)

" Comportementaliste canin "
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Utilisateur anonyme
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tu as raison Arod,je généralise!Mais je dois vraiment avoir une tronche de pigeonne et tombée sur les Glandus!

Petite Histoire:

1 semaine avant d'aller chercher mon Youps,une comportementaliste va faire une visite au refuge pour un autre chien.

+)elle passe devant le box de mon futur chien et là,mon dieu ce chien est HYPER ATTACHE à la personne du refuge et que les futurs proprios allaient avoir de gros problèmes d'agressivité (je suis pas experte en la matière mais je sais encore reconnaître les signe d'hyper attachement..bref passons !)

+)mais ohhh miracle elle est là pour nous donner conseils pour 150Euros la séance .

+)je m'énerve et annule avec effet immédiat l'adoption

+)après discussion avec les responsables du refuge il s'avère que:

1) elle a demandé si ce chien allait être adopté (réponse positive)

2) elle a mit la pression sur les responsables en leur disant qu'il y aurai gros problème d'agressivité dût à l'hyper attachement+risque de morsure..

RESULTATS FINAUX:mon chien ne souffre pas d'hyper attachement,n'a pas eu l'ennui du refuge ,dès le 1er jour à manger comme un goinfre et à tout de suite trouvé ses marques (panier-jouer-parc-intérieur de la maison ect.)

C'est clair qu'il nous a fallut un peu de temps pour s'adapter l'un à l'autre,j'ai dûs faire preuve ,comme avec tout chien de fermeté jusqu'à ce qu'il trouve sa place au sein de notre foyer,mais je ne me suis jamais sentie en danger ni agressé par ce chien...

Humeur-De-chien,conclusion de cette petit histoire ?

PS:si je devais choisir un comportementaliste...ben ce serai vous ;-))

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Humeur-De-Chien
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Humeur-De-chien,conclusion de cette petit histoire ?

PS:si je devais choisir un comportementaliste...ben ce serai vous ;-))

Merci pour ce vote de confiance. :)

Pour ce qui est de votre histoire, il y a plusieurs choses qui me chagrinent.

1 - Il me paraît impossible de diagnostiquer un hyper-attachement d'un simple coup d’œil ou même en ayant vu à peine quelques minutes le chien avec un des membres du refuge.

En revanche, ce qui peut arriver parfois avec les chiens en refuge, ce sont des symptômes de stress post-traumatique. L'abandon est un acte brutal pouvant conduire à des troubles psychogènes qu'on regroupe sous le terme de dépression réactionnelle. Le chien est complètement largué, pouvant passer de l'athymie à l'hyperthymie et subissant en plus des troubles alimentaires et/ou des troubles du sommeil. Mais là encore, ça demande du temps et beaucoup d'observation.

2 - Une séance de comportementaliste à 150€, c'est énorme !

Qu'elle vous ait suggéré une séance est une bonne chose compte tenu du caractère parfois délicat de l'adoption d'un chien de refuge. Mais pas à 150€. C'est le double de ce qui est pratiqué assez souvent (75€/séance d'une heure et demi).

3 - Comme estimer qu'il y aura des risques d'agressivité ? À partir de quels éléments ?

Mais surtout, l'hyper-attachement ne rend pas forcément un chien agressif. Oui il peut l'être ou le devenir mais encore faut-il réunir d'autres éléments pour en arriver à affirmer qu'il le sera. C'est très péremptoire comme attitude, et pas très pro.

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