Puisqu'on en parle, je croise presque tous les jours deux mamies, des voisines de longue date qui promènent ensemble leurs petits chiens sur un sentier de campagne, un spitz et un pinscher nain.
Chaque fois c'est la même histoire, elles se mettent un peu de côté pour nous laisser passer, car le pinscher fait un malheur à la vue de ma chienne, et de n'importe quel chien à l'exception de son copain spitz, un vacarme de grognements et d'aboiements féroces.
Alors on dit bonjour, on passe, et la mamie dit à son pinscher "ooooh, mais alors il est gentil regarde, oooh".
Voilà. Nos échanges se résument à peu près à ça, agrémentés d'un "il fait beau/il pleut" de temps en temps.
J'adore ces petits échanges laconiques, presque absurdes, qu'on peut entretenir entre voisins pendant des années, sans jamais rien changer à la partition, je trouve ça limite fascinant. Je me souviens des échanges entre ma grand-mère et les habitants de la rue "qui monte" qu'elle empruntait en revenant du marché. Voici ce qu'ils se disaient : On monte ? (faisait celui qui descendait au bourg), On descend ? (répondait celui qui rentrait chez lui). Point. Aujourd'hui encore je trouve ça exquis.
Bref, l'autre jour je vois les deux copines revenir du chemin de promenade, et stupeur : la mamie au pinscher ne tient aucune laisse...
Alors je m'arrête à leur niveau, et les salue avec une inquiétude dans la voix, la question vient immédiatement. Elle m'explique que le petit s'est faufilé dans l'ouverture du portail pour courser un chat qui passait par là, et n'est pas revenu. Cela faisait quarte heures mes amis, que les deux mamies le cherchaient, à travers bois, au bord des champs, sur leurs petites jambes frêles.
Elles rentraient à la maison endeuillées, persuadées que le petit était mort ou à l'agonie dans un fossé.
Je leur ai promis d'ouvrir l'œil. Je ne pouvait pas croire à une telle injustice. Qu'allait devenir le duo, maintenant qu'il manquait une roue au carrosse, une note à la partition ? Était-ce la fin des deux copines qui s'en allaient bras dessus bras dessous ?
Mais le lendemain, j'avais à peine fait quelques pas sur le sentier, que je vois apparaître deux mamies un peu voûtées, bras dessus bras dessous, et un petit chien de chaque côté, un spitz et un pinscher nain.
Il se trouve qu'en rentrant chez elles la veille au soir, elles avaient retrouvé le toutou devant le portail...
Vous ne pouvez pas imaginer ma joie, j'ai eu envie de leur sauter au cou ! Et pour la première fois en 3 ans, le petit pinscher est venu saluer ma chienne tout doucement, silencieusement. Il n'a plus jamais aboyé sur nous depuis ce jour.