Idées reçues sur le chien dominant

Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

Régulièrement, je dois expliquer pourquoi la notion de chien dominant n'a aucun sens. Pas plus que de vouloir instaurer une relation hiérarchique avec son chien (où l'homme se veut chef de meute).

Abordons la question différemment à travers quelques exemples et en imaginant qu'un chien soit dominant... selon la conception que l'homme peut s'en faire en prenant modèle sur le loup.

Cette précision en fin de phrase est importante parce que l'homme a souvent une conception simpliste et caricaturale du mâle dominant (voire de l'alpha). C'est généralement très éloignée de ce qu'il se passe vraiment au sein d'une meute de loups, voire inexistant.

1 – Pour empêcher mon chien d'être dominant, moi, le chef de meute, je dois toujours manger avant lui

Cette idée est née d'une croyance populaire selon laquelle chez les loups, les dominants mangent toujours avant. C'est faux.

La notion de prérogative sur une ressource dépend effectivement du rang d'un individu mais aussi d'un contexte (ou d'une nécessité). Et en fonction de ce dernier, le premier à se nourrir n'est pas forcément celui qu'on croit.

Une louve alpha peut très bien laisser sa place si le mâle alpha n'est pas là. Elle le fera plus difficilement s'il est là.

Les dominants préféreront se nourrir après les femelles (peu importe leur statut) si elles sont gestantes ou si elles viennent de mettre bas. La priorité est aussi laissée aux jeunes louveteaux.

Si la proie est suffisamment importante, alors tous les individus d'une meute peuvent manger en même temps. Si ce n'est pas le cas, la priorité est laissée à ceux qui en ont le plus besoin pour survivre.

Pour ce qui est de qui mange avant qui, il n'y a aucune règle fixe dans les meutes de loups. Pourquoi y en aurait-il avec le chien (qui n'est pas un loup !) ?

2 – Pour empêcher mon chien d'être dominant, moi, le chef de meute, je dois toujours passer la porte avant lui

Une autre croyance populaire qui consiste à dire que les dominés doivent attendre sagement que les dominants passent devant avant de pouvoir les suivre. J'en suis encore à me demander de quel chapeau magique a pu sortir une idée pareille.

Là encore, tout dépend du contexte au sein d'une meute de loups. Mais si un louveteau veut gambader et jouer avec d'autres louveteaux, quitte à s'éloigner un peu de la meute, il ne va pas attendre la permission pour le faire. Il y va.

Je n'ai jamais vu la moindre étude sur les meutes de loups disant qu'il y avait un ordre de marche à respecter... sauf en ce qui concerne la chasse. Mais comme le chien ne chasse pas...

" Comportementaliste canin "
54 réponses
Utilisateur anonyme
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Bonjour,

C'est très intéressant. J'ai un chien. Je veux voyager avec mon chien en Asie dans 5 mois.😐

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Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

Bonjour Jissy,

comment définiriez-vous le rapport qu'entretient un chien avec son maître en éthologie ?

Voilà une question intéressante !

Même si on prête au chien des comportements de dominant, il ne pourra jamais assurer la survie de l'homme. C'est l'homme qui assure la survie du chien.

Si la hiérarchie de dominance existait interspécifiquement, alors l'homme serait automatiquement le dominant. Peu importe le caractère et la nature du chien.

Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas hiérarchie qu'il n'y a pas de règles. Et là encore le chien a besoin de l'homme pour savoir comment se conduire et quoi faire. Raymond Coppinger disait que le chien avait perdu son intelligence de survie. D'autres parlent d'auto-détermination. Le chien est un animal dépendant de l'homme et sans doute peu apte à la survie s'il devait se retrouver seul.

D'une certaine manière, il n'y a pas besoin de forcer le trait puisqu'on domine forcément le chien en étant l'individu qui va pourvoir à ses besoins. Mais si dominer le chien veut dire le forcer à la soumission, lui imposer par la force et la contrainte ou encore l'obliger à attendre systématiquement le bon vouloir de son propriétaire pour qu'il puisse faire quoi que ce soit, alors on est là dans une relation totalement aliénante voire esclavagiste.

La relation homme/chien ne peut pas répondre à un seul modèle. Chaque individu est unique (chien comme humain) et les facteurs environnementaux peuvent être très différents. Personnellement, il m'est impossible de dire qu'une relation homme/chien doit répondre à des critères uniques et immuables. En revanche, je ne me prive pas dire quand il y a des risques pour la relation comme pour les individus impliqués.

Le chien peut manger avant, pendant ou après. Dans l'absolu, ça n'a pas une grande importance. Inutile donc d'en faire une règle unique et figée pour tout le monde.

En revanche, si le chien doit systématiquement être mis à l'écart (parce que c'est le dominé) pendant que tous les membres de la famille sont à table, alors il y a des risques à lui faire sentir qu'on le punit tout en engendrant de la frustration. Dans ce cas le chien est forcément perdant.

Or je préfère envisager la relation homme/chien comme un duo gagnant/gagnant.

Je peux très bien priver mes chiens d'accéder à une ressource qu'ils convoitent. Pour autant, je veillerai à leur proposer une activité alternative et stimulante. Ils ont perdu quelque chose qu'ils voulaient obtenir, ils ont gagné autre chose.

Ainsi, je ne mets pas mes chiens en situation d'échec. Au contraire, je les encourage à obéir plus facilement parce qu'ils ont tout à gagner.

" Comportementaliste canin "
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Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

(suite)

L'homme est une figure de référence pour le chien, un être d'attachement.

Dans bien des cas, le chien est capable de supporter une somme incroyable d'erreurs à son égard parce qu'on ne le connaît pas. Pire, on ne veut pas le connaître si cela doit s'écarter de nos propres croyances. On oblige le chien à être comme on l'imagine et non comme il est vraiment. Ce faisant, on le trahit !

L'anthropomorphisme, le sentiment d'impunité, la soumission par la force mais aussi l'étouffement par amour, la sur-protection et l'encouragement d'une sur-dépendance affective sont autant d'ingrédients qui conduisent à des maltraitances (pas forcément physiques d'ailleurs).

L'homme est-il vraiment le meilleur ami du chien ?

Pour en revenir à la relation homme/chien et en partant du principe que c'est un animal hiérarchique, il faut aussi se demander dans quelle mesure les frustrations de l'homme entrent en jeu pour qu'il en vienne à imposer ce modèle. Quelle satisfaction personnelle en retire-t-il ?

" Comportementaliste canin "
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Jespere
Jespere

"Dans bien des cas, le chien est capable de supporter une somme incroyable d'erreurs à son égard parce qu'on ne le connaît pas. Pire, on ne veut pas le connaître si cela doit s'écarter de nos propres croyances. On oblige le chien à être comme on l'imagine et non comme il est vraiment. Ce faisant, on le trahit !"

Oui mais la société ne nous oblige-t-elle pas à cela, dans tous nos comportements? Envers nos animaux, nos enfants...?

Il faut correspondre à un moule pour pouvoir se fondre dans la masse et passer le plus inaperçu possible, non? Nos chiens doivent être beaux, propres, obéissants, discrets, sages, aimants, amicaux, drôles, joueurs...parce-que sinon, ils ont un trouble du comportement! Son maître associé à ce "trouble" sera fustigé par ses voisins parce-que le chien aboit, parce-qu'il a grogné sur le facteur, parce-qu'il n'a pas supporté qu'un enfant lui arrache les poils...

Nous, pauvres maîtres, avec nos maigres connaissances, nos efforts, toute notre bonne volonté, nous avançons aussi bien que possible.

Ne croyez-vous pas, même si nous ne sommes pas parfaits, même si nous ne maitrisons par l'éthologie...que nous n'arriverons pas à être les meilleurs amis de nos chiens? Tout en étant tout autant de mauvais parents, car peu ou personne n'a de diplôme de l'éducation, n'arrivons nous pas à créer de belle petite famille.

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Utilisateur anonyme
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Merci Humeur-De-Chien pour cette documentation à la fois fournie et argumentée.

Je suis d'accord à 100% (mais ai-je à l'être? car comme vous le dîtes très bien, on n'a pas à "être d'accord" que l'eau, mouille. Ca mouille, c'est un fait. Et comme vous le dîtes très bien, les observations nombreuses établies démontrent qu'il n'y a pas de chien "dominant")

Je rajouterai parce que ça me fait toujours rire, que celui qui croit au chien dominant prend bien ce qui l'arrange pour être le "chef de meute", car :

1°) Lorsqu'il mange au restaurant, remange-t-il une fois rentré, AVANT et DEVANT le chien pour bien lui montrer qu'il est le chef?

2°)Fait-il l'amour devant son chien pour bien lui montrer que lui, chef, choisit son partenaire?

3°) et enfin, renifle-t-il le derrière de tout chien croisé avant son propre chien, car, bon sang, c'est lui le chef de meute!

J'attend de voir les maitres de chiens "dominants" appliquer leur logique jusqu'au bout ;-)

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Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

Bonjour Jespere,

Ne croyez-vous pas, même si nous ne sommes pas parfaits, même si nous ne maitrisons par l'éthologie...que nous n'arriverons pas à être les meilleurs amis de nos chiens? Tout en étant tout autant de mauvais parents, car peu ou personne n'a de diplôme de l'éducation, n'arrivons nous pas à créer de belle petite famille.

Il faut accepter que nous ne pourrons jamais comprendre totalement les chiens. À partir de là, on se trompe tous à un moment ou un autre. Mais si on pense que le chien est un animal hiérarchique et qu'il doit être dominé et soumis par la force, alors on se trompe tout le temps.

Le problème n'est pas de ne pas savoir, c'est de se persuader que l'on sait d'après ses seules croyances personnelles.

L'éthologie, la psychologie animale, les sciences cognitives et comportementales sont autant de domaines qui permettent de mieux comprendre son chien. Et si on comprend mieux, on peut aussi agir plus efficacement.

Mais aucune science n'existe pour dire comment être un parfait compagnon pour son chien. Et heureusement !

Cela n'empêche en rien de tenter de faire du mieux possible et de vouloir être bienveillant envers son chien. On peut ne pas posséder les connaissances ou les techniques et être quand même une source de bien-être. C'est cela qui importe avant toute autre chose.

Mais à partir du moment où on maltraite physiquement et/ou psychologiquement un chien, on est très loin de la bienveillance et du bien-être. Si en plus on se persuade que c'est nécessaire parce qu'il doit être dominé et soumis, ça devient franchement malsain.

" Comportementaliste canin "
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Jador
Jador

En somme, avec un peu d'intelligence (surtout celle de savoir que l'on ne sait rien!), d'humilité, de curiosité et d'envie d'apprendre, on peut faire de belles choses, entre autre, être de bons maîtres. Heureusement que pour tout cela, on peut avoir l'aide d'excellents professionnels de votre genre!

Je vois le nombre de messages que vous postez alors vraiment merci pour le temps que vous y consacrez et la qualité de vos écrits.

A ce propos, avez-vous édité un recueil de conseils ou autre support de ce genre?

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Humeur-De-Chien
Humeur-De-Chien

Merci pour ces compliments, Jador. :)

J'ai effectivement l'habitude de donner à mes clients une petite brochure que j'imprime moi-même avec quelques conseils de base. C'est la même que celle que je remets aux éleveurs avec lesquels j'ai l'habitude de travailler, et qu'ils remettent ensuite aux adoptants et la joignant à leur propre livret de recommandations.

Parallèlement, je rédige quelques articles pour un futur site. Et à terme, j'aimerais faire un bouquin. Mais pour ce qui sera de l'éditer, c'est une autre histoire... ^^

" Comportementaliste canin "
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Utilisateur anonyme
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Via le net, pour le bouquin. Jai une copine ecrivain qui vait comme ça pour publier ses nouvelles. Bon par contre ca lui rapporte rien.

en tt cas merci pour tout ce poste qui aidera, je l'espère, tout les chiens comme mon azur (et les autre aussi lol). J'espère qu'il restera longtemps en haut de page.

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Utilisateur anonyme
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Hello,

Très sincèrement, je trouve que le débat en deviendrait presque philosophique.

On parle ici , d'anthropomorphisme, d'éthologie, d'étiologie, de sémiologie comportementale, d'anthropomorphisme, d'empirisme et aussi de maïeutique car tout comme moi , Jador croit beaucoup me semble t-il a notre Moi vis à vis des autres et de leurs pensées " pravdatisées " ...

Pour Paige, je crois que tu fais de l'anthropomorphisme, mais à l'envers .... ce qui devrait se traduire par un " canidéomorphisme " ?

Me concernant, je pense qu'il va falloir que je consulte car je vis depuis des années dans l'erreur semble t-il ?

Je me pensais jusqu'alors chef de Ma meute ( et non chef de meute ) mais visiblement, non .

Le comble c'est qu'en me considérant jusqu'alors comme le chef, je n'arrive même pas à esclavagiser mes chiens en les mettant aux fers, car je ne les promène jamais à la laisse ?

Un coming-out en somme ?

Mais au fait, ne serions-nous pas en train, de sur-conceptualiser les choses un peu trop là non ?

Je vous laisse, et m'en vais promener mes chiens ...

Bonne journée

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