Pour en finir avec la hiérarchie entre l'homme et le chien

Bonjour à tous,

Le thème de la hiérarchie de dominance revient souvent dans la relation homme/chien. Alors plutôt que de répéter ce que je peux parfois écrire lors de mes interventions, je me disais que traiter ce sujet de manière globale pourrait servir.

Je vais tout d'abord rappeler certains principes.

Meute : En tant que système social, la meute est le regroupement d'individus de la même espèce, la plupart du temps de la même famille et organisés hiérarchiquement pour coordonner les actions de chasse, réduire les conflits et protéger les ressources (sexuelles, alimentaires et territoriales).

Hiérarchie : Organisation sociale établissant des rapports de subordination et des degrés gradués de pouvoirs, de situation et de responsabilités.

Dominance : Fait de dominer par une prépondérance de pouvoir, d'importance, de valeur et/ou de force.

Dominé : Individu sur lequel un autre exerce une dominance ou une prépondérance.

Hiérarchie de dominance : En éthologie, ce système se fonde sur l'organisation hiérarchique (dominance/subordination) d'un ensemble de dyades de la même espèce et appartenant au même groupe social.

Cette hiérarchie est exercée de façon :

- linéaire (A domine tous les autres, B domine tous les autres sauf A, C domine tous les autres sauf A et B, etc.),

- circulaire ou triangulaire (A domine B, B domine C et C domine A),

- pyramidale (A domine tous les autres - B1 et B2 sont égaux et dominent tous les autres sauf A - C1, C2, C3 et C4 sont égaux et dominent tous les autres sauf A, B1 et B2, etc.)

Comportements agonistiques : En éthologie, les comportements agonistiques concernent l'ensemble des comportements visant à régler les conflits. Ces comportements peuvent s'observer en milieu interspécifique et sans nécessité d'appartenir à un même groupe social.

Les chiens domestiques vivent-ils en meute ?

La réponse est catégoriquement non, quelle que soit la race du chien. Pour qu'un chien éprouve le besoin de s'organiser en meute, il faudrait au minimum que l'homme n'intervienne plus pour combler ses besoins vitaux, instinctifs et sociaux... ce qui impliquerait donc qu'il ne soit plus domestique.

Quand on parle des chiens de traîneau, on dit souvent qu'ils sont constitués en meute. En fait, dans ce cas, le terme de meute est abusif car les chiens de traîneau ne sont pas réellement organisés en meute mais plutôt en système coopératif ayant pour seul but de courir ensemble. De plus, leur organisation est décidée par compétence et non par dominance. On pourrait alors parler de hiérarchie de compétences décidée par l'homme.

Les chiens domestiques vivent-ils en hiérarchie ?

La réponse est plutôt non que oui. En milieu intraspécifique, il existe des actes de dominances et de subordination selon la prépondérance d'un individu sur un autre par rapport à une ressource. Cependant, cette hiérarchie n'est jamais un système stable et les actes de dominance sont fluctuants et éphémères. Mais surtout, ces comportements naissent de la motivation à accéder à une ressource et non du respect d'un ordre établi. On peut alors difficilement parler de hiérarchie chez le chien domestique même si certaines composantes (dominance/subordination) peuvent exister.

Peut-il y avoir une hiérarchie de dominance entre deux chiens qui se rencontrent dans la rue ?

Absolument pas. Contrairement aux comportements agonistiques, pour qu'il y ait hiérarchie de dominance, il faudrait que les deux individus appartiennent au même groupe social.

Les éventuelles réactions d'agressivité peuvent avoir plusieurs origines mais pas le besoin d'établir une hiérarchie.

Peut-on parler de chien dominant quand celui-ci n'obéit pas, se montre agressif et/ou prend certaines libertés ?

Absolument pas.

Un chien qui n'obéit pas le fait essentiellement par besoin d'obéir à une motivation supérieure. Il peut s'agir de motivations vitales ou instinctives (supérieures aux motivations sociales) ou de motivation à garder une ressource (canapé, os, attention). Il peut aussi ne pas obéir car il n'a pas été correctement conditionné. Mais à moins de « casser » le chien, aucun conditionnement n'est prépondérant sur un besoin vital ou instinctif. Et enfin, le chien peut ne pas obéir en raison du stress (pouvant provoquer peur, anxiété, joie, excitation, détresse), de l'humeur, de l'émotion, du manque de motivation ou encore d'une pathologie. Toujours est-il que la défiance volontaire d'autorité ne fait pas partie des comportements du chien.

Un chien qui se montre agressif envers son maître peut le faire pour plusieurs raisons :

Comportement réactif → Le chien est soumis à des moyens coercitifs ou aversifs qui peuvent le pousser à avertir son maître que la situation ne lui convient pas.

Comportement réactif → Le chien tente de protéger ou garder une ressource acquise qu'on cherche à lui reprendre.

Comportement réactif → Le chien est atteint d'une pathologie pouvant causer douleurs, troubles émotionnels, de l'humeur et du comportement.

Comportement proactif → Le chien est de nature agressive et soumis à des pulsions. Cela peut aussi arriver en cas de pulsions sexuelles.

Contrairement à une idée très répandue, l'agressivité, la violence et les démonstrations de force sont à l'opposé des comportements observables chez les animaux dominants dans une organisation hiérarchisée. On les observes bien plus chez les dominés ayant quelque velléités ou chez des individus extérieurs au groupe social et cherchant à profiter d'une ressource (sexuelle ou alimentaire). Ces comportements sont sources d'instabilité, de conflits et même parfois de blessure. Ils vont donc à l'encontre des intérêts du groupe.

Quant au chien prenant des initiatives et des libertés sans attendre de savoir si son maître est d'accord, il est important d'expliquer que le chien est un animal opportuniste et hédoniste. Opportuniste parce qu'il cherchera à profiter de la moindre situation qui peut lui être immédiatement profitable. Hédoniste parce cette recherche de situation est aussi motivée par la recherche de confort et de plaisir. En aucun cas ces agissements sont motivés par la dominance.

L'homme doit-il être le chef de meute pour son chien ?

Absolument pas. Les explications précédentes permettent de résumer les choses ainsi :

En milieu intraspécifique, le chien domestique ne vit pas en meute

En milieu intraspécifique, le chien domestique ne vit pas selon une hiérarchie de dominance

En milieu intraspécifique, et en terme de système social, le loup sauvage et le chien domestique ne sont pas soumis aux mêmes besoins et donc aux mêmes nécessités d'organisation

La question n'est donc pas de savoir si l'homme doit être le chef de meute pour son chien mais plutôt de se demander au nom de quoi il le serait. Et en l'absence d'explication logique et éthologique sur cette nécessité d'organisation sociale entre l'homme et le chien, la réponse est à chercher uniquement dans les croyances et les frustrations de l'homme.

J'aurais d'ailleurs tendance à insister sur ce terme homme ; pas au sens large mais bien au sens sexué. Car de fait, cette croyance et son application en matière de relation avec le chien est bien une propension masculine plutôt que féminine. Je le dis en étant d'autant plus à l'aise que je suis un et qu'il m'est arrivé de croire en cette théorie, il y a longtemps. Mais que les messieurs se rassurent, on peut aussi observer chez les femmes une certaine propension à d'autres comportements, tout aussi condamnables, qu'on retrouve peu chez les hommes.

Pour finir, une petite citation qui peut faire réfléchir.

« J'observe que (les gens croient que) le chien se doit d'attendre la volonté de son maître, de lui obéir en toutes circonstances, de ne pas prendre d'initiatives et de n'avoir aucun privilège. Quand il ne répond pas à ces critères, le chien est qualifié de « dominant », la tare par excellence : le chien montre des velléités intolérables de supériorité et son propriétaire manque d'autorité ; l'homme est disqualifié (et culpabilisé) et le chien doit être « cassé ».

Ce vocabulaire esclavagiste démontre bien la relation qu'ont les hommes – plus souvent que les femmes – avec les chiens. En psychologie, on revendique en général ce que l'on a pas ; si l'homme revendique l'autorité, la dominance et le pouvoir sur le chien, c'est qu'il manque d'autorité naturelle et de pouvoir personnel. Qu'a donc fait l'homme de son pouvoir pour devoir le revendiquer aux dépens du chien (et de ses proches : enfants et compagne) ? L'homme est devenu esclave de la société ; il est soumis à ses règles et ne peut y échapper ; il en est dépendant ; il lui appartient. Le pouvoir étouffé de l'homme s'exprime par des voies détournées, notamment avec le chien. L'homme reproduit avec le chien ce que la société fait avec lui : il se l'approprie, il le soumet, il le rend dépendant, il l'asservit. Ce faisant, l'homme sauve quelques étincelles de son pouvoir de vie. Le chien, apparemment esclave, apprend quelque chose lui aussi du domaine de l'énergie mentale.

Si on veut changer cette situation, il faut que l'homme trouve une autre expression de son pouvoir – par la créativité, par exemple – et qu'il affranchisse son chien de la hiérarchie de pouvoir, afin d'entrer dans un système de symbiose bénéficiaire où le chien a l'opportunité de se réaliser, d'exprimer ses besoins éthologiques – un système où tout le monde gagne. »

(Tout sur la psychologie du chien - Joël Dehasse)

" Comportementaliste canin "
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Werewolf: Tu l'as à la fin de son article ;)

http://www.amazon.fr/Tout-sur-psychologie-du-chien/dp/2738123171

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Bonjour Tania,

Le chien-loup Tchèque est avant tout un chien... et un chien domestique. Au même titre que le chien-loup de Saarloos. Et même en considérant que la race est très récente, il n'en demeure pas moins que cette raciation entre un loup gris et un Berger Allemand a donné lieu à un élevage ; qui lui-même, par l'intervention de l'homme, a modifié son organisation sociale ainsi que son comportement alimentaire et sexuel. Le chien-loup Tchèque ne partage donc plus les mêmes nécessités biologiques avec son parent le loup dès lors qu'il ne possède ni le même génotype ni le même écosystème. Le chien-loup Tchèque n'est tout simplement pas un loup.

En revanche, il semble avoir conservé de lui des patrons-moteurs de prédation très présents et une motivation instinctive qu'il est parfois difficile de dépasser avant d'arriver aux motivations sociales. En dehors d'un héritage phénotypique évident, c'est sans doute là que se trouve son principal héritage comportemental avec le loup.

Le chien-loup Tchèque n'a absolument aucun besoin de se positionner en mâle ou en femelle alpha par rapport à l'homme. Ça n'a aucun sens, et ce pour au moins deux raisons :

- Un chien est tout à fait capable de faire la différence entre un homme et un autre chien

- Un chien domestique n'a aucun besoin et aucune nécessité d'être organisé en meute. J'insiste vraiment là dessus.

Il faut bien comprendre que la raison d'être d'une meute, c'est la survie. Si le chien, grâce à l'intervention de l'homme, peut manger, boire, dormir et éliminer tranquillement, alors ses besoins vitaux sont comblés et cela modifie inévitablement son organisation sociale.

En revanche, les comportements agonistiques, eux, peuvent tout à fait être présents entre un chien et un homme. Devant la colère de son maître, un chien peut fuir, grogner, adopter une posture basse, se coucher sur le dos, venir le lécher ou encore mordre (et j'en passe). Tous ces comportements visent à régler un conflit. Le chien ne se pose ni en dominé ni en dominant, il adopte simplement un comportement instinctif en réponse à une menace (directe ou indirecte) ou à la protection d'une ressource.

Un chien qui se met entre un homme et une femme ne cherche pas à prendre la place de l'un ou de l'autre ni à dominer mais simplement soit à réduire le conflit entre eux, soit à protéger (voire à s'accaparer) sa principale ressource de motivation affective et sociale. Il ne fait que réagir en opportuniste et hédoniste qu'il est.

J'espère avoir répondu à tes questions. :)

" Comportementaliste canin "
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Werewolf
Werewolf

Erf, merci toutoupassion, j'ai pas les yeux en face des trous ce soir >

" "Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé." "
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Tania28700
Tania28700

Merci, Humeur-de-chien.

Je sais bien que j'ai des "chiens", j'en suis totalement consciente. Et ce, heureusement. Je suis d'accord avec toi sur ce point, mais je suis sceptique pour d'autres. Pour vivre avec eux, je sais comment ils se comportent.

" "Sois toujours la première version de toi même, et non la deuxième version de quelqu'un d'autre" "
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ah ben justement, après avoir lu plusieurs choses différentes sur ça je m'interrogeais.....donc très intéressant ce post!

de mon côté j'en étais arrivée à la conclusion qu'il n'y a pas de hiérarchie inter-espèces, homme/ chien, juste des réactions opportunistes/hédonistes comme tu l'expliques.

Par contre là où j'ai plus de mal à me faire une idée c'est entre les chiens eux-mêmes, sûrement parce que je n'ai pas d'expérience dans ce cas. Je pense que 2 chiens qui se rencontrent dans la rue on effectivement des comportements agonistiques( j'ai appris un mot!), mais pour les chiens vivants en groupe, même au contact de l'homme comme les chiens de traîneau où lorsque qu'il y a plusieurs chiens dans une famille, j'ai le sentiment qu'il y a une hiérarchie sûrement circulaire, pas systématiquement mais il y a quelque chose.

L'autre jour nous étions à la plage, il y avait une famille avec 3 chiens, dont 2 border collie. Je ne connais pas du tout ces chiens donc c'était purement de l'observation. Le troisième larron semblait fonctionner simplement comme tu l'expliques par opportunité. Mais les 2 border avaient une relation différente. ils jouaient mais c'était toujours le même qui cédait sa place, tant aux jeux qu'aux câlins des maîtres etc...il n'y avait pas d'agressivité franche de l'autre, mais s'il venait prendre le jeux ou le câlin du premier celui-ci cédait sa place la queue basse. Comment faut-il le comprendre?

pour conclure j'ai le même raisonnement que page, on est pas le dominant du chien, malgré tout, comme avec nos enfants, c'est nous qui devons dicter les règles et les faire respecter, bien sûr tout cela dans le respect, c'est là qu'il me semble essentiel de comprendre et connaître les signaux du chien pour le respecter en tant que tel.

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j'ose espèrer que c'est tout de même un peu plus simple avec un chien qu'avec un enfant qui a des émotions complexes (jalousie, honte.....)😁

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désolé mais pour moi non:

la jalousie, prenons l'exemple de tania et de son chien qui lui mordille le bras, certains dirons que le chien veut être l'alpha comme l'avait dit l'éleveur, d'autres appellerons ça "jalousie" en se disant que le chien veut séparer le couple, non le chien veut la source d'affection par exemple mais finalement il n'a rien contre l'autre. un enfant qui sépare ses parent 'cest ma maman, c'est mon papa!, qui veut les jouets d'un autre etc...c'est complexe, il voudrait être l'autre, il se demande si maman aime papa, est ce qu'elle peut m'aimer moi aussi?autant? moins?........je ne pense pas qu'un chien puisse avoir ce type de sentiments.

la honte encore moins puisque cela renvoie à l'image que l'on a de soit et que l'on renvoie aux autres....

😁

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Pour vivre avec eux, je sais comment ils se comportent.

Que veux-tu dire par là ?

Bonjour Achan,

Pour les chiens de traîneau, j'expliquais qu'il s'agissait d'une hiérarchie de compétence qui décide de la position des chiens par rapport à leurs aptitudes respectives. Sauf que cette hiérarchie est une organisation imposée par l'homme. Elle n'est non seulement pas spontanée mais elle est même mouvante puisqu'il arrive que la position des chiens soit changée ; notamment en fonction de la fatigue des leaders. On pourrait alors effectivement en déduire un concept élaboré de hiérarchie circulaire de compétences.

Quant à savoir si cette hiérarchie s'exprime en dehors du contexte où les chiens sont attachés pour tracter et courir, ça me semble beaucoup plus délicat, et tout à fait réfutable si on parle de hiérarchie de dominance. Il y a bien sûr des comportements agonistiques qui sont bien plus des rituels d'apaisement plutôt que des démonstrations de force ayant pour but de soumettre.

Si un jour vous voyez un chien poser une patte sur un autre chien couché sur le dos, ventre apparent et pattes écartées, c'est que vous êtes face à un rituel d'apaisement et non à un acte de dominance. Ce n'est jamais le premier chien qui retourne l'autre sur le dos, c'est bien le deuxième qui prend l'initiative d'adopter cette posture pour réclamer l'arrêt du conflit/jeu. En revanche, si un jour vous voyez un chien en retourner un autre pour le coucher de force, inquiétez-vous car la situation dérape sérieusement et pourrait même être fatale.

Pour votre exemple des deux chiens, il est assez caractéristique quand il y a une ressource et plusieurs prétendants. Cette ressource peut être de différentes natures (alimentaire, sexuelle, affective, ludique, etc.). Les prétendants entrent alors en compétition dont l'issue va se décider, le plus souvent, non par position hiérarchique mais par motivation. Si cette motivation est égale, alors elle est génératrice de conflit. Si elle ne l'est pas, le chien le moins motivé refuse d'entrer en conflit et procède à des rituels d'apaisement.

Quant à votre conclusion, elle me paraît très juste. Autorité ne veut pas dire autoritarisme. Et être un leader ou un guide est très différent d'être un despote, un tyran ou un dictateur. Dans le premier cas, c'est une figure d'autorité motivante, stimulante et bienveillante. Dans le deuxième, c'est une figure autoritaire usant de force, de contrainte et de soumission pour asseoir son pouvoir et sa dominance. Mais oui, l'autorité est nécessaire à la cohésion et à la stabilité d'un système.

" Comportementaliste canin "
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ok merci pour ces explications! je vais d'ailleurs me les copier/coller dans un document pour les garder à porte de main 😉

j'ai plus qu'a chercher un bon bouquin sur les signaux d'apaisement du chien!!

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Vous pouvez regarder de ce côté : http://www.amazon.fr/Les-signaux-dapaisement-communication-canine/dp/2952809534

Turid Rugaas fait autorité en la matière. Et même si je ne partage pas toutes ses conclusions, ses observations peuvent constituer une bonne base.

" Comportementaliste canin "
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