(suite) Il ne fait plus l'ombre d'un doute, que le chien domestique est capable de contagion émotionnelle. Celle-ci représente la petite étincelle qui change tout. Ce sujet passionne certaines équipes de chercheurs aux quatre coins du monde. On peut citer par exemple le docteur Ludwig Hubert, directeur du centre de recherche sur la cognition canine Clever Dog Lab, à Vienne en Autriche. Il contribue —souvent dans l'ombre— à l'évolution des connaissances à ce sujet, à travers des projets comme celui-ci, où on mesure la contagion émotionnelle intra et inter-espèce: Investigating emotional contagion in dogs (Canis familiaris) to emotional sounds of humans and conspecifics (2017). Le docteur Frans de Waal, abondamment cité jusqu'à présent, illustre son point de vue à travers un savoureux fait vécu:
"J’ai un ami dont le chien a commencé à traîner la patte quelques jours après qu’il — mon ami — se fut cassé la jambe. Chez les deux, il s’agissait de la jambe droite. Le chien a boité pendant des semaines, jusqu’au jour où mon ami est revenu chez lui sans plâtre. Ce type de comportement n’est possible que parce que les chiens, comme les mammifères, sont parfaitement en phase avec le corps des autres. Non seulement ils excellent à synchroniser leurs mouvements, mais ils adorent ça. Certains chiens apprennent à sautiller pour accompagner des enfants qui sautent à la corde, d’autres suivent un bébé dans toute la maison en rampant sur le ventre, comme le petit d’homme. Synchronisation et imitation sont courantes dans la nature : c’est ce qui se passe quand un banc de dauphins bondit de concert hors de l’eau ou quand les pélicans volent en formations parfaitement fluides." (Frans de Waal, "La dernière étreinte", 2018)
Mais vibrer en harmonie avec l'autre, ressentir sa détresse n'est utile que jusqu'à un certain point. Pour qu'une action morale efficace et structurée en résulte, la contagion émotionnelle doit gagner en profondeur. Sinon, on se retrouve avec 2 individus qui souffrent, et aucun capable de trouver une solution. Il n'est pas exagéré d'affirmer que l'empathie cognitive, qui résulte de ce gain en profondeur, mette à contribution toute la matière étudiée jusqu'à présent dans ce chapitre. Elle se compare à un concert symphonique, où les sections de cuivre et de cordes sont remplacées par des ensembles de processus mentaux complexes, sous la supervision de Maestro néocortex. Pour approfondir au sujet de cette fascinante symphonie cognitive, à travers un cas pratique permettant d'observer l'empathie cognitive chez un chien errant, nous vous invitons à consulter l'annexe #3. Elle y est entièrement consacrée.