Une émotion est une réaction affective, assez intense, transitoire, en réponse à une stimulation de l’environnement. C’est une expérience mentale subjective, chaque individu peut éprouver une émotion très différente des autres face au même stimulus.
Les chiens, comme la plupart des mammifères, éprouvent des émotions, mais ils les expriment d’une manière très différente de nous. Il n’est pas rare de voir sur des photos prises par des propriétaires de chien, que l’animal exprime des émotions négatives, sans que les gens le réalisent. Les signes sont en effets parfois subtils, comme on peut le voir avec cette célèbre photo, qui a fait le tour du net justement parce qu’elle montre notre incompréhension des émotions du chiens.
Sur ce cliché, le chien exprime le mal-être d’être attrapé par l’enfant, il y a un danger et ce n’est pas le moment de prendre une photo !
Nous allons donc décrire une à une les principales émotions (joie, tristesse, peur, dégoût, colère et surprise), et quels sont les outils (postures, mimiques, vocalises) du chien pour les exprimer.
La joie chez le chien
Dans un monde de chien, la joie est une émotion essentielle. C’est en effet une caractéristique des espèces sociales : pour former et maintenir des groupes soudés, il faut pouvoir subvenir aux besoins de ses membres. Et pour les connaître, il faut que chaque individu exprime la satisfaction ou non de ses besoins : la joie sert donc à informer tout le groupe de sa motivation et de son bien-être. C’est une émotion agréable à voir (elle est donc « contagieuse »), elle est stimulante pour les autres individus, tout en favorisant les interactions positives.
Le chien est réputé pour ses démonstrations de joie effusives, et c’est parfois même excessif, quand il retrouve son propriétaire par exemple. Un chien isolé trop longtemps accumulera de la frustration, et le retour de sa famille est alors le moment de tout libérer : le chien a beaucoup de mal à se calmer, avec parfois des petits accidents (les « pipis de joies », ou un gros chien un peu brutal, etc…).
En général, elle se décrit par une posture tournée vers l’avant, queue battante (parfois même tout l’arrière-train). La posture d’appel au jeu manifeste aussi la joie et l’excitation. Ces postures et ces mimiques sont souvent associées à des vocalises, qui peuvent varier du tout au tout. Des gémissements plaintifs aux grognements sourds, s’ils sont émis dans un contexte de jeu avec les postures décrites ci-dessus, correspondent très probablement à la manière qu’a votre chien d’exprimer la joie.
On le voit très bien sur la séquence ci-dessous : les deux chiens ont l’air de s’agresser, et ce n’est pourtant pas le cas (ils pourraient aisément contourner la porte…) ; l’interaction qu’ils ont, malgré les apparences, n’est rien de plus que du jeu, et les vocalises expriment la joie de pouvoir réaliser son activité favorite (ici, aboyer à travers le portail ; c'est un peu conditionné comme jeu, mais c'est un autre débat).
La joie est donc une émotion souhaitable, de manière assez intuitive, mais il faut savoir reconnaître les excès, et y répondre : si votre chien a des moments de joie trop intenses, il faut chercher à savoir si ses besoins fondamentaux sont satisfaits.
La tristesse chez le chien
Émotion souvent opposée à la joie, la tristesse est un moyen de manifester un mal-être, une détresse. C’est évidemment une émotion à surveiller, pour pouvoir y répondre et apporter ce qui manque au chien.
On a pu observer que les émotions opposées ont une expression latéralisée : les émotions positives provoquent des battements de queue majoritairement à droite (Quaranta et al. 2007), ainsi que des mouvements de sourcils à gauche (Nagasawa et al. 2013), et c’est l’inverse pour des émotions négatives.
Difficile pour nous de mesurer l’écart de battement de queue entre la gauche et droite d’un coup d’œil, mais d’autres signes plus évidents viennent nous aider : une posture recroquevillée, avec le regard fuyant, vers le bas, et la queue basse, sont des signes de tristesse.
Le chien peut manifester des pathologies comportementales comme la dépression ou la résignation acquise, son comportement aura alors tendance à exprimer cette émotion en majorité face à des stimuli qui devrait le motiver.
Le dégout chez le chien
Le dégoût est une émotion indispensable à n’importe quel animal pour son alimentation. C’est une émotion qui entraine une aversion pour l’objet qui la provoque, elle est donc très liée à l’odorat et au goût, chez le chien.
Cela permet à l’animal de reconnaître les aliments qui entrent dans son régime alimentaire, mais ça lui permet également de repérer la nourriture périmée, impropre à la consommation.
On ne peut pas dire que le chien soit facile à dégoûter, car il a un régime dit « carnivore opportuniste », ce qui signifie qu’il n’hésite pas à s’alimenter sur une charogne, ou via les déjections d’autres espèces. Mais même s’il apprécie des saveurs que nous ne pouvons pas supporter, il a aussi des aversions : les odeurs de parfums, ou les agrumes, très amers, sont souvent des effluves qui vont provoquer du dégoût chez le chien.
La peur chez le chien
C’est probablement l’émotion la plus importante à savoir reconnaître chez son chien, car cette émotion active tout l’organisme et la mémoire : les évènements qui se déroulent dans un contexte de peur sont extrêmement importants, et savoir rassurer son chien n’est pas évident.
La peur est indispensable à tout animal pour percevoir un danger. Le cerveau priorise cette émotion sur les autres, car face au danger, toute l’attention de l’animal doit être mobilisée sur la réponse à avoir (généralement la fuite ou l’agression). La panique est une peur intense, provoquant souvent une réponse aussi intense.
La peur est communicative : sentir la peur chez l’autre augmente sa propre anxiété. En plus, le chien est très empathique et absorbe les émotions du groupe qu’il accompagne, il sera très vigilant à surveiller le stress et la peur de son propriétaire, avec une tendance à l’imiter.
Un chien qui a peur a une posture recroquevillée, voir couchée, avec la queue collée sur le ventre, et parfois l’arrière train-baissé. Les oreilles sont tombantes, la tête souvent détournée et fuyante. Le chien halète très souvent aussi quand il est un peu anxieux.
C’est ce qu’il faut comprendre pour répondre au mieux à son chien en cas de peur : commencer par se rassurer soi-même, et avoir l’attitude la plus neutre possible est souvent la meilleure solution. Vouloir rassurer son chien se traduit souvent par un comportement très protecteur, et cette attitude inhabituelle renforce la peur du chien.
La surprise chez le chien
La surprise est une émotion fugace, et marque le moment où un individu découvre un nouveau stimulus (un objet, une personne, un son, une odeur…). Elle peut être liée à la nouveauté et à l’originalité de la découverte, ou à son caractère brutale, le chien n’ayant pas anticipé le stimulus.
La surprise est donc une émotion qui peut avoir un débouché positif ou négatif, suivant le contexte. Une surprise qui provoque une réaction de peur est à éviter, mais une surprise qui entraine immédiatement de la joie provoque le même effet sur le chien qu’un cadeau chez nous ! Il est tout à fait possible de surprendre un chien en jouant à cache-cache par exemple, cela provoque des réactions comportementales très proches des très jeunes enfants (en général, vocalises et trépignements de joie et d’excitation).
La colère chez le chien
La colère est naturellement une émotion que le chien peut exprimer. Comme la joie ou la tristesse, la colère est un outil nécessaire dans un groupe pour favoriser son équilibre. Elle permet aux individus de manifester du mal-être, mais aussi de régler les conflits sans qu’il n’y ait forcément de bagarre.
Il est très important de savoir distinguer cette émotion chez le chien, pour ne pas la confondre avec une joie emprunte de beaucoup d’excitation. Beaucoup de chiens aboient ou grognent pour attirer l’attention d’autres chiens. La limite n’est clairement pas nette : de la même façon qu’un chahutage entre enfants peut finir en conflit ouvert, deux chiens qui jouent de façon animée peuvent s’agacer et finir par réellement exprimer de la colère.
Mais les chiens savent mieux que nous faire la différence, et généralement, les autres chiens répondent à la colère par des comportements dits d’apaisement : léchage des babines, se coucher sur le dos,… ces comportements diminuent en effet la colère, c’est donc une réponse que le chien prend automatiquement, sans savoir forcément pourquoi il subit cette colère.
La rancune et la vengeance ne sont pas des notions que le chien maîtrise, elle implique trop de cognition complexe. Ce n’est pas rare que les propriétaires interprètent certains comportements négatifs du chien comme une rancœur (avec la question fréquente : « Est-ce qu’il m’en veut ? »), mais le chien n’est pas assez machiavélique : il exprime l’émotion au moment où il la ressent. Si le contexte change et s’améliore, la colère disparaît rapidement.
Dr Stéphane Tardif
Docteur vétérinaire et rédacteur pour Wamiz