L’activité physique est indispensable pour le bien-être des animaux (comme des humains). Grands, moyens ou petits, les chiens doivent être baladés chaque jour. Pour cela, il faut donc leur trouver l’endroit idéal pour se dépenser, mais aussi, s’adapter à leurs capacités physiques. Certains chiens ont de l’arthrose ou d’autres pathologies qui rendent les activités plus compliquées, mais elles restent primordiales pour la santé de son animal. Alors, comment permettre à son animal de faire de l’exercice sans qu’il se fasse mal ? Comment s’adapter à ses capacités ?
Antony Le Moigne, double champion du monde de canicross, connaît parfaitement les rouages articulaires des chiens. Pour Wamiz, il accepte de répondre à nos questions sur l’activité physique des chiens.

Vous courez avec vos chiens, qui sont-ils ? Combien en avez-vous ?
J’ai 4 chiens : Phoenix, Link, Atlas et Opale. Ce sont des Greysters, c’est un croisement entre un Braque Allemand et un Lévrier Anglais. Ils ont la puissance du Braque et la vitesse du Lévrier.
Mon équipementier m’a proposé de créer une gamme de matériel à mon nom, donc chaque équipement porte un nom de mes chiens. Le baudrier que je porte en compétition s’appelle Canyon, en hommage à mon premier chien, un Husky décédé à l’âge de 10 ans, le harnais s’appelle Phoenix et la longe Opale.

Crédits photo : Anthony Le Moigne
Vous alternez les entraînements avec vos différents chiens ?
Oui tout à fait sauf pour Phoenix qui a 10 ans et pèse 42 kg. Il a été champion du monde et doit continuer malgré son âge à faire du sport. Mais il ne s’agit plus de compétition mais de sport « santé » afin de le préserver, de garder du mouvement et d’éviter une boiterie ou une raideur.
Comment avez-vous initié vos chiens au sport ?
Les choses se sont faites assez naturellement. Je suis déjà sportif à la base, mes chiens m’ont donc toujours accompagné lors de mes sorties. Ensuite, j’ai vite compris que le canicross (ou le canimarche) doit passer par un apprentissage avec le chien. Il faut lui apprendre à accepter le harnais, à accepter l’effort de traction, à apprendre les ordres d’intensité d’effort, les directions, c’est-à-dire, tous les efforts cognitifs et physiques que demande le canicross.
Mais tout doit se faire dans la progressivité. Si on brûle des étapes, on va progresser très vite au départ puis on va plafonner. On risque de régresser, de se blesser et surtout de perdre le plaisir. Or, j’ai toujours mis le plaisir au cœur de la pratique. Je me suis fixé une règle fondamentale : je termine toujours un entraînement en me disant que mes chiens auraient pu faire plus.
Le fil conducteur de l’entraînement est donc le plaisir et même un peu de frustration, car parfois ils sont capables de faire plus. Mais on préfère s’arrêter avant pour que la fois d’après, quand ils voient le harnais, ils en aient envie à nouveau.
Car finalement la plus grande force des chiens n’est pas physique mais mentale. Il s’agit de leur capacité à s’impliquer dans l’effort à deux. J’ai toujours fait attention à ça pour que le plaisir soit toujours omniprésent, le leur comme le mien.

Est-ce qu’ils se baladent avant de partir courir ?
Oui, il y a toujours une phase d’échauffement libre où ils vont aller faire leurs besoins. Ensuite, dès qu’il y a le harnais, il y a d’autres règles qui s’imposent. Le chien reste concentré sur l’instant qu’on partage, il ne va pas faire ses besoins ni jouer avec des congénères afin de garder la connexion entre nous.
À la fin, on lui enlève le harnais et il peut récupérer tranquillement comme il le souhaite. En gros j’organise toujours mes entraînements autour de plusieurs axes : l’échauffement, la progressivité de l’effort et la récupération.
Est-ce que l’activité physique a renforcé le lien entre vos chiens et vous ?
Oui, c’est vraiment incroyable. Ce qu’on leur donne, ils nous le rendent au centuple dans la vie de tous les jours. Leurs capacités vont être décuplées grâce aux moments que l’on partage dans l’effort.
Dans le canicross c’est comme une équipe dans un sport collectif, tout ce que l’on va construire dans l’effort c’est un lien de confiance. On va le renforcer grâce à tout ce que l’on va partager dans les sorties sportives avec son animal. La complicité est évidemment au cœur de la pratique.

Est-ce que vos chiens se sont déjà blessés ?
Oui, mais hormis un grave problème à l’épaule pour Phoenix qui a mis fin à sa carrière, le reste est plutôt de la bobologie avec : des coussinets abîmés, des contractures, etc. Bref, la vie d’un sportif de haut niveau !
Comment soigner vous les blessures de vos chiens ?
Je m’attelle toujours à la succession de méthodes qui, misent bout à bout, font la différence : l’utilisation d’huiles essentielles (la gaulthérie, l’arnica et l’hélichryse), des étirements, le renforcement musculaire pour travailler la proprioception (jeux sur des coussins gonflables pour renforcer les muscles qui soutiennent les articulations), les massages, etc.
On sait que les deux tiers du poids du chien sont sur l’avant-main, donc 80 % des blessures se font sur l’avant du chien.
J’insiste aussi sur la partie alimentation avec une bonne hydratation, des aliments adaptés pour une meilleure récupération, l’apport d’électrolytes qui vont faciliter la contraction musculaire éviter des lésions profondes.
J’ai aussi quelques remèdes de grand-mère. Par exemple, pour leurs coussinets j’utilise de l’onguent vert qui est normalement pour les sabots des chevaux. Ça permet d’assouplir les coussinets et d’éviter leur abrasion.
Comment prévenir l’apparition de l’arthrose ?
Malheureusement, quand on pratique un sport de haut niveau on utilise son capital et on a des blessures que nous n’aurions pas eues avec un simple sport de santé.
La prévention va donc passer par les phases d’échauffement, de récupération. La musculature du chien est aussi très importante. C’est pour cette raison que je varie aussi les entraînements. Par exemple, je vais les faire nager pour muscler leur dos, je vais alterner entre des séances de canicross, et de cani-VTT où le chien va courir un peu plus vite.
L’objectif est d’avoir la musculature la plus homogène et la plus complète possible.
Mais ce qui est très important c’est d’observer son chien. Car ils n’ont pas la parole, mais juste en les regardant on doit savoir s’adapter. Si un matin mon chien est un peu plus raide, qu’il met plus de temps à se lever, qu’il s’étire plus que d’habitude, je décide alors de ne pas m’entraîner ou bien de faire une séance de récupération en le faisant nager.
De cette manière, on pourra retarder l’apparition de lésions arthrosiques. Mais je ne fais pas d’illusion, avec la pratique d’un sport à haut niveau, on sait que plus le chien est lourd, plus il aura de risques de souffrir d’arthrose.
J’ai la chance d’avoir autour de chez moi des lacs. J’emmène donc parfois mes chiens faire de la cryothérapie en les mettant dans des rivières. J’essaie de préparer mes chiens exactement comme je me prépare moi, je ne fais pas de différence.

Ont-ils un suivi particulier auprès d’un vétérinaire ?
Oui, ils sont suivis régulièrement par des vétérinaires spécialisés dans le sport. Ils font des bilans sanguins pour surveiller de potentielles carences. Mes chiens vont aussi régulièrement chez un ostéopathe et ont une alimentation adaptée afin de préserver leurs articulations.
Quel conseil pourriez-vous donner aux gens qui souhaitent faire du sport avec leur chien ?
Il faut toujours commencer par une phase d’échauffement (balade libre), aller progressivement dans l’effort et terminer par une récupération (le chien se balade librement).
Il faut aussi observer et s’adapter à son chien. L’entraînement doit être en fonction de lui et non pas en fonction de ce que l’on a prévu. C’est comme cela que l’on préserve son chien et son squelette, c’est lui proposer une activité adaptée à son âge, à sa morphologie, à son envie, etc.
Est-ce qu’il y a des règles supplémentaires avec un jeune chien ?
Oui, on sait que le squelette osseux va continuer sa croissance parfois au-delà d’un an. La première année va donc être consacrée à l’éducation, la découverte de l’environnement, la confiance en lui et dans son maître, et non pas au développement sportif.
Faire des sorties de 15 km à un chiot est la meilleure façon d’avoir un chien arthrosique à 3 ou 4 ans. La patience est donc primordiale.
Les balades jusqu’à 8 mois doivent être globalement de 1 minute par semaine de vie. Cela signifie que pour un chiot qui a 6 mois on ne dépasse pas les 30 minutes de balades.
Il faut donc de la patience, y aller très progressivement afin de préserver son chien quand il sera adulte. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’âge légal des chiens pour participer aux compétitions de canicross vient de passer à 15 mois. Des études vétérinaires ont montré qu’il fallait préserver le chien jusqu’à ses 10 mois.
Comment vous êtes-vous formés sur la physiologie du chien et de l’humain ?
J’ai une maîtrise de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) et je donne de nombreux stages dans le monde entier. J’ai rapidement été captivé par la physiologie du chien et je me suis formé. Aujourd’hui je travaille avec beaucoup de vétérinaires, ce qui me permet d’accroître mes connaissances.
Lors de mes stages à l’étranger, j’ai aussi eu l’occasion de rencontrer des gens qui étaient très calés dans la physiologie du chien et qui m’ont appris beaucoup de choses. Mon expérience s’ajoute à tout cela et me permet d’avoir aujourd’hui un certain nombre de connaissances sur le chien de sport.
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